LE FORUM DE SOCIALPARTNERS

Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Le deal à ne pas rater :
Jeux, jouets et Lego : le deuxième à -50% (large sélection)
Voir le deal

    PLACEMENT ILLEGAL D’ARGENT AU BENIN: Le rapport du FMI sur l’affaire ICC-Services

    Admin
    Admin
    LE Grande Guide


    Messages : 1565
    Réputation : 0
    Date d'inscription : 29/05/2009
    Localisation : Cotonou

    PLACEMENT ILLEGAL D’ARGENT AU BENIN: Le rapport du FMI sur l’affaire ICC-Services Empty PLACEMENT ILLEGAL D’ARGENT AU BENIN: Le rapport du FMI sur l’affaire ICC-Services

    Message par Admin Lun 6 Déc 2010 - 11:42

    PLACEMENT ILLÉGAL D’ARGENT AU BÉNIN: Le rapport du FMI sur l’affaire ICC-Services



    Le Fonds Monétaire International a livré son verdict. Invitée par le Chef de l’Etat pour mener une enquête indépendante sur l’affaire ICC Services, la mission du FMI qui a séjourné dans notre pays du 10 au 14 septembre 2010 a déposé un rapport accablant sur le fonctionnement global non seulement de l’Etat mais aussi des institutions financières, de la société civile et le laxisme des citoyens.

    « La tolérance, sur une période relativement longue, d’une violation aussi flagrante des lois et des règlements par les promoteurs des actes illégaux et frauduleux suggère’ que les diverses parties concernées, l’État et ses démembrements, les institutions financières légalement constituées, la société civile et les populations- ont une tolérance élevée pour ‘des écarts aux lois et règlements », indiquent les espères du FMI qui ajoutent : « La fraude s’est développée dans le secteur financier informel à partir de structures de collecte non agréés. La surveillance de leurs activités n’entrait pas le champ de compétence explicite d’une autorité de supervision du Bénin, dont aucune ne pouvait prononcer de sanctions à leur égard.»

    Ainsi donc, aucune autorité financière légale ne pouvait prononcer de sanction sans tomber sous le coup de la loi. Selon les experts du FMI, aucune institution béninoise de supervision « ne disposait par elle-même du pouvoir d’interrompre leurs activités, ou de prononcer leur fermeture ».

    Néanmoins, ils situent les responsabilités en soulignant que « les Autorités chargées de la stabilité financière (DN-BCEAO, différents services du Ministère de l’économie et des finances) auraient dû se coordonner pour suivre les activités financières développées dans le secteur informel, et chercher ainsi à appréhender les risques qu’il était susceptible de générer ».

    Si les estimations des fonds spoliés restent encore floues, les déclarations sur base volontaire reçues par le Ministère de l’économie et des finances, indiquent que le montant s’élève à environ 155,6 milliards de FCFA, pour 149 639 déposants recensés.

    Mais d’autres calculs permettent à la Mission du FMI de réviser ces montants à la baisse. Nous vous livrons aujourd’hui l’intégralité de la première partie de ce minutieux rapport qui fait le point de la catastrophe.

    Le présent rapport contient des conseils techniques fournis par les services du Fonds monétaire international (FMI) aux autorités d’un pays membre (le (« bénéficiaire de l’AT »), en réponse à leur demande d’assistance technique. Ce rapport (dans sa totalité, en partie ou sous une forme résumée) peut être communiqué par le FMI aux administrateurs du FMI et à leurs services, ainsi qu’aux autres organismes et entités du bénéficiaire de l’AT et, à leur demande, aux services de la Banque mondiale et aux autres fournisseurs d’assistance technique et bailleurs de fonds dont l’intérêt est légitime, sauf si le bénéficiaire de l’AT s’y oppose explicitement (voir http://www.imf.org/external/np/pp/eng/2009/040609.pdf, Operational Guidelines for the Dissemination of Technical Assistance Information à l’adresse disponible en anglais uniquement). La communication du présent rapport (dans sa totalité, en partie² ou sous une forme résumée) en dehors du FMI, à des parties autres que les organismes et entités du bénéficiaire de 1 ‘ AT, les services de la Banque mondiale et les autres prestataires d’assistance technique et bailleurs de fonds dont l’intérêt est légitime, requiert le consentement explicite du bénéficiaire de l’AT et du Département des marchés monétaires et de capitaux du FMI.

    Préface

    En réponse à la requête du Président de la République Son Excellence Dr. Boni Yayi, une mission d’assistance technique du département des marchés monétaires et de capitaux du Fonds monétaire international a séjourné à Cotonou du 10 au 24 septembre 20101. L’objet de cette mission a été d’accompagner les autorités dans les efforts engagés pour faire face à la crise créée par la faillite de structures illégales de collecte d’épargne auprès du public.

    La mission a centré ses travaux sur l’identification, en étroite coopération avec les autorités, des vulnérabilités au niveau des trois sphères que sont (i) le cadre légal et réglementaire, (ii) les institutions, et (iii) les comportements des agents sociaux et l’interaction des institutions et leur rapports aux acteurs sociaux qui a permis la naissance et le développement sur une longue période des activités illégales de collecte de dépôts du public et la lenteur de la réaction des autorités de contrôle. La mission a été reçue par son Excellence Dr. T. Boni Yayi, Président de la République. Elle aussi rencontré leurs excellences M. Pascal I. Koupaki, Ministre d’État, Ministre de la Prospective, du Développement, de l’Évaluation des Politiques Publiques et de la Coordination de l’Action Gouvernementale, Président du Comité de Crise, M. Idriss Daouda, Ministre de l’Économie et des Finances, Mme Reckya Madougou, Ministre de la Microfinance et de l’emploi des jeunes et des femmes, le Comité de Suivi et la Commission d’Enquête Judiciaire constitués pour appuyer le Comité de Crise, ainsi que des hauts fonctionnaires de ces départements ministériels. La mission a aussi tenu des séances de travail avec M. Alain F. Koutangni, directeur national de la BCEAO et avec ses collaborateurs. Elle a par ailleurs pu avoir des échanges avec des représentants des banques et établissements financiers, et des institutions de microfinance. La mission s’est chevauchée avec la mission de revue de l’accord ECF du département Afrique du FMI. La mission souhaite exprimer ses remerciements aux autorités pour la chaleur de l’accueil et la coopération exemplaire qu’elle trouvées auprès de tous ses interlocuteurs.

    RESUME DES PRINCIPALES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

    La mission a conduit ses travaux en concentrant ses efforts sur la compréhension du cadre légal et réglementaire régissant les structures exerçant des activités financières, les institutions ayant pour mission de veiller à la protection de la société et de l’économie dans l’exercice de leur responsabilité lors de l’autorisation et du suivi des activités de ces structures et l’interaction entre ces institutions dans l’exercice de leurs missions respectives. Dans l’examen de ces trois sphères, la mission a tenté de comprendre comment les initiateurs des montages frauduleux ont pu opérer pendant une période suffisamment longue pour leur permettre de causer des dommages de l’ampleur constatée. Ce faisant, la mission a été guidée par le principe que la responsabilité des autorités de régulation et de contrôle est de veiller à la protection des déposants et à la préservation de la stabilité du système financier.

    La mission a examiné les lois suivantes: la loi bancaire, celle en vigueur ainsi que celle adoptée par le Conseil des Ministres de l’UEMOA et en cours d’adoption par les pays membres, la loi portant réglementation des institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit et la loi relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux. La mission a également passé en revue les textes réglementaires, portant application de ces lois qu’elle a pu obtenir. Ces lois et règlements et les dispositions incluses dans les mises à jour en cours d’adoption fournissaient aux régulateurs une assez bonne base pour prévenir ou mettre un terme aux escroqueries qui ont causé cette crise. En plusieurs points, cependant, leur efficacité dans l’aide à la protection de la société contre des actes crapuleux de nature à causer des préjudices graves à la société pourrait être renforcée. Nous avons noté des améliorations possibles notamment dans trois domaines: (i) la définition de l’activité de collecte de l’épargne transformable par divers moyens comme un monopole des institutions financières avec des dispositions donnant aux régulateurs le pouvoir de faire respecter ce monopole et de mettre effectivement un terme aux activités de tout contrevenant, (ü) l’autorité donnée aux régulateurs de conduire efficacement une résolution de crise (iii) l’adoption de sanctions pénales plus dissuasives contre les contrevenants aux dispositions des lois financières et (iv) l’inscription dans la loi ou le règlement de dispositions permettant aux institutions de se renforcer mutuellement dans l’exécution de leurs missions, notamment par l’inclusion de dispositions rendant possible et obligatoire la communication des informations pertinentes aux institutions qui en ont besoin dans l’exercice de leur mission.

    Le cadre d’échange éventuel d’informations entre les institutions de surveillance n’a pas permis la détection précoce et l’arrêt des violations de la loi et l’élimination des menaces contre le public et les institutions financières liées à ces violations de la loi. De nombreuses institutions concourent à faire respecter les lois et règlements régissant les activités financières. Les différents services de sécurité, les régies financières, la BCEAO et la Commission bancaire, et plusieurs autres services de l’État interviennent, à des degrés divers, dans le traitement de l’autorisation d’exercer, le suivi des activités, l’appui au développement oui et le contrôle des structures menant des activités financières déclarées dans leur objet et engagées postérieurement à l’autorisation d’exercer. La mission a noté que nombre de ces institutions ne peuvent pas avoir ignoré les opérations des initiateurs des activités illégales et frauduleuses.

    En outre, des services de l’Etat, même alertés par des institutions régulières affectées par les activités illégales semblent avoir exclusivement traité les alertes reçues à la lumière du champ spécifique de leur mission propre, sans considération des relations avec les missions d’autres services de l’État. Enfin, nombre d’institutions de l’État, investies de missions éminentes de protection de la société, ne disposent pas de ressources en adéquation avec la pleine prise en charge de ces missions. Il apparait donc clairement un besoin de renforcement des moyens et de la coopération entre les services, y compris la CENTIF, la BCEAO et la Commission bancaire.

    L’environnement social et humain a aussi permis aux activités illégales et frauduleuses de prospérer sous les multiples radars pourtant mis en place par les régulateurs. Les appels à l’épargne publique semblent avoir utilisé ouvertement toutes les voies de communication. La presse écrite et audio-visuelle aurait servi de véhicules pour permettre aux premiers initiateurs de sortir de la communauté qui leur a permis de démarrer leurs activités et d’atteindre une cible beaucoup plus large dans la population. La tolérance, sur une période relativement longue, d’une violation aussi flagrante des lois et des règlements par les promoteurs des actes illégaux et frauduleux suggère’ que les diverses parties concernées, l’État et ses démembrements, les institutions financières légalement constituées, la société civile et les populations- ont une tolérance élevée pour ‘des écarts aux lois et règlements. Le besoin d’une campagne de sensibilisation et d’éducation de la population est en conséquence une condition sine qua non d’une prévention ou au minimum de la réduction du risque d’occurrence de fraudes financières graves.

    La mission recommande, dans la résolution de la crise, d’accorder une grande attention aux aspects suivants: (i) mettre à contribution toutes les institutions pouvant concourir à l’identification de toutes les structures impliquées dans les fraudes et articuler l’ensemble des lois et règlements permettant l’éradication du mal et mettant l’État à l’abri de poursuites éventuelles pour son implication dans la résolution de la crise, (ii) évaluer avec la plus grande exhaustivité les préjudices financiers causés au public et le patrimoine des fraudeurs, et (iii) conduire l’indemnisation des victimes dans des conditions présentant des garanties de crédibilité et d’équité incontestables.

    PLAN D’ACTION POUR LA MISE EN ŒUVRE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION

    I. Introduction


    1. Le Bénin a mis en œuvre des politiques macroéconomiques et de réformes structurelles appuyées par le Fonds monétaire dans le cadre de la Facilité élargie de crédit (FEC). Dans ce contexte des progrès sensibles ont été accomplis dans la voie de la stabilisation macroéconomique, tandis que les réformes structurelles ont connu des avancées beaucoup plus modestes. Le dernier accord au titre de la FEC a été approuvé le 14 juin 2010 lors de la conclusion des discussions au titre de 1’Article pour l’année 2010 par le Conseil d’Administration du Fonds monétaire.

    2. La mission chargée de mener les discussions au titre de l’Article 4 pour l’année 2010 a relevé quelques améliorations dans les indicateurs prudentiels des institutions financières en 2009 et noté l’impact positif attendu de du relèvement du capital demandé dans l’UEMOA avant la fin 2010. Il demeure que plusieurs institutions continuent de souffrir de faiblesses importantes. Une meilleure évaluation de ces faiblesses pourra être conduite par la mission PESF programmée pour l’exercice 2012. Par ailleurs, la mission avait rapporté l’existence d’un nombre élevé et croissant d’institutions qui, faisant fi de la réglementation relative à la collecte de fonds auprès du public, montaient des mécanismes de fraude de type Ponziqui avaient pour effet de divertir les dépôts du système financier agréé. La structure mère de ces institutions s’est effondrée causant faisant ainsi monter la tension sociale.

    3. La présente mission répond à la demande adressée par les Autorités au Fonds monétaire et à la Banque mondiale. Elle a été chargée d’évaluer (i) l’ampleur de la crise causée par la faillite des institutions non agréées de collecte de dépôts, et (ii) les risques de contagion au niveau du système financier, et de proposer un plan d’action conservatoires pour contenir la crise. Il est entendu que l’appui du Fonds monétaire à mise en place de mesures de moyen termes destinées à prévenir la répétition de crises de cette nature ou à tout le moins de permettre leur détection rapide en vue de leur éradication, pour se faire dans le cadre d’une mission de suivi qui pourrait prendre en place dans quelques mois. Le travail d’une telle mission ne se faire efficacement qu’avec la participation totale des institutions de l’UEMOA concernées par le système financier.

    4. Le rapport présente en sa seconde section les acteurs du secteur financier, tente de donner une évaluation de l’ampleur de la fraude en sa section trois, examine la cadre légal et réglementaire régissant le secteur financier dans la section quatre, discute le respect de la loi et du règlement par les acteurs en section cinq et offre quelques recommandations dans la section six.

    II. Les acteurs

    La fraude s’est développée dans le secteur financier informel à partir de structures de collecte non agréés. La surveillance de leurs activités n’entrait pas le champ de compétence explicite d’une autorité de supervision du Bénin, dont aucune ne pouvait prononcer de sanctions à leur égard.

    De manière schématique, les compétences des Autorités du Bénin en matière de supervision du secteur financier se répartissent de la manière suivante:

    - Sur la stabilité financière: la BCEAO et le Ministre de l’économie et des finances.

    - Sur la surveillance des établissements de crédit agréés (banques et établissements financiers) : la BCEAO et la Commission Bancaire de l’UMOA (CB-UMOA).

    - Sur la surveillance des institutions de microfinance: le Ministre de l’économie et des finances (Cellule de surveillance des structures financières décentralisées). Notons qu’après promulgation au Bénin de la loi communautaire portant réglementation des systèmes financiers décentralisés, la BCEAO et la CB-UMOA disposeront également de la capacité d’opérer des contrôles sur les institutions les plus importantes, après information du Ministre de l’économie et des finances.

    - La lutte anti-blanchiment : la Cellule nationale de traitement des informations financières du Bénin (CENTIF) collecte les déclarations de soupçons et les renseignements auprès des établissements assujettis. Le contrôle du respect des obligations en la matière est du ressort de chaque autorité de supervision compétente (CB-UMOA, Ministre des finances).

    Pour ce qui est du pouvoir de sanction:

    - La CB-UMOA dispose du pouvoir de prononcer des sanctions disciplinaires à l’encontre des établissements de crédit agréés relatives au manquement aux règles qui leur sont applicables. Le Ministre des finances dispose également de pouvoirs propres, après avis conforme de la CB-UMOA (suspension et limitation d’activité…. ).

    - A l’égard des systèmes financiers décentralisés, le pouvoir disciplinaire appartient au Ministre.

    - La décision de supprimer l’autorisation d’exercer accordée à un établissement agréé appartient à l’autorité de contrôle, avec pour les établissements de crédit l’intervention du Ministre des finances.

    - En revanche, la décision de fermeture d’une entité non agrée n’appartient pas en l’état à une autorité de supervision mais relève de l’Autorité judiciaire.

    - De même, la sanction des personnes agissant hors agrément appartient à l’Autorité judiciaire, laquelle peut, soit se saisir elle-même, soit être saisie par une des autorités de contrôle.

    - L’exécution forcée des mesures de fermeture, que ce soit pour un établissement préalablement agréé ou non, appartient à l’Autorité judiciaire.

    Les structures de collecte illégale s’étaient constituées sous différentes formes juridiques: organisation non gouvernementale, association loi 1901, société à responsabilité limitée, société anonyme. Ces structures, qui avaient pris diverses dénominations, n’affichaient pas comme objet principal la collecte de l’épargne. Aucune ne disposait d’un agrément comme établissement du secteur financier.

    Ces structures exerçaient donc une activité financière illégale, participant du secteur informel; elles n’étaient soumises à aucun contrôle formalisé de la part d’une autorité de supervision, dont aucune ne disposait par elle-même du pouvoir d’interrompre leurs activités, ou de prononcer leur fermeture. Il faut noter que le secteur financier relevant de l’informel est très développé au Bénin (notamment par le biais de tontine). Ceci peut expliquer que le public se soit montré facilement réceptif à une activité de collecte des dépôts de grande ampleur, développée hors établissements agréés.

    III. Evaluation de l’impact financier de la fraude

    A. Importance des dépôts reçus par les structures de collecte illégale


    Les fonds illégalement reçus sont, en l’état, évalués à FCFA 155,6 milliards, mais le montant total des dépôts collectés illégalement pourrait être bien supérieur.

    Le montant des fonds collectés illégalement par les structures opérant hors agrément, tel qu’évalué, en date du 3 septembre 2010, à partir des déclarations sur base volontaire reçues par le Ministère de l’économie et des finances, s’élève à FCFA 155,6 milliards, pour 149 639 déposants recensés. Le Ministre d’Etat de la Prospective et du développement, de l’évaluation des politiques publiques et de la coordination de l’action gouvernementale, Président du Comité politique pour la gestion de la crise, a indiqué que les 63 entités de collecte illégale qui ont répondu à une enquête menée par le Comité de crise ont fait état de FCFA 55,9 milliards de dépôts, pour 77 990 déposants . Les montants effectivement reçus par les structures de collecte illégale pourraient être en réalité bien supérieurs, car il est vraisemblable que les plus gros déposants se montrent réticents à se faire connaître, notamment par crainte du ridicule, ou bien encore parce qu’ils ne seraient pas en mesure de justifier l’origine des sommes qu’ils ont placées.

    En l’état des informations disponibles, le nombre de déposants dans les structures de collecte illégale apparaît sensiblement inférieur au nombre total de clients des institutions de micro finance agréés. Les chiffres disponibles, bien qu’encore approximatifs, peuvent d’abord être comparés au nombre des clients des institutions de micro finance agréées: 756 000 emprunteurs actifs au 31 décembre 2009 pour un nombre total de membres de 1 503 000 (au 30 juin 2010) selon les données recueillies auprès de la cellule de Micro finance.

    On peut noter que le nombre des clients de la microfinance est très supérieur à celui des déposants des structures illégales de collecte.

    En date du 3 septembre 2010, le montant recensé des fonds illégalement collectés représente 13,2 % des dépôts des institutions régulièrement agréées. Les chiffres issus des tentatives de quantification des activités des structures de collecte illégale peuvent être comparés aux montants des dépôts reçus tant par les institutions de micro finance, que par les banques. Selon la cellule de Micro finance, les institutions de micro finance agréées détenaient 75,9 milliards de francs CFA de dépôts de la clientèle (30 juin 2010).Selon la BCEAO les dépôts collectés par les douze banques opérant au Bénin s’élèvent à FCFA 1 095,7 milliards. En date du 3 septembre 2010, le montant estimé des fonds illégalement collectés, soit FCFA 155,6 milliards représente 13,2% des dépôts des institutions régulièrement agréées.

    B. Risques de pertes pour les déposants déclarés

    Les pertes que les personnes ou entités ayant effectué des dépôts auprès des structures illégales de collecte devraient supporter seront sans doute très élevées. Les dépôts collectés illégalement ont servi à verser des intérêts aux premiers déposants ; d’autres dépôts ont été détournés par les fraudeurs pour leurs besoins propres, ou bien ont été investis dans le secteur marchand. En l’état, les pertes sont difficiles à quantifier. Elles seront vraisemblablement très lourdes. Il faut relever que les fonds déposés dans les banques au Bénin par les structures illégales recensées, et qui se trouvent actuellement bloqués par les Autorités, ne représentent environ que FCFA 8 milliards, somme à laquelle s’ajoutent des saisies mobilières (environ 120 véhicules) et immobilières, dont la valeur n’est pas pour l’instant estimée. Par ailleurs, certaines structures ayant collecté illégalement des dépôts auraient financé des activités licites dans le secteur marchand ; elles possèderaient par conséquent des capacités de remboursement sur la moyenne période, cependant difficiles à évaluer.

    Les pertes à supporter par les déposants seront importantes, mais elles seront fortement différenciées selon les structures de collecte et par conséquent selon les déposants. Les structures frauduleuses sont de nature très diverses. Celles qui sont de création récente n’ont sans doute pas encore utilisés tous les fonds reçus. Par ailleurs, les actifs des plus grosses structures, à l’origine de la propagation du système frauduleux, n’ont pas été encore identifiés; néanmoins, les capacités de remboursement de ces dernières semblent pour l’instant limitées. En revanche, deux structures ayant collecté des fonds dans les mois précédents la découverte publique du système frauduleux, ont commencé à opérer des remboursements à compter du 13 septembre 2010.

    Ceux qui ont déposé des fonds dans les structures de collecte illégale portent une responsabilité dans les pertes qu’ils ont subies. Il tombe sous le sens commun qu’aucune activité économique légale ne permet de percevoir des intérêts de 100 à 300%. Une partie des déposants, au moins ceux qui ont placé les sommes les plus importantes, pourraient être considérés davantage comme des complices des fraudeurs, que comme leurs victimes. De plus, ceux des déposants qui ont remis des fonds aux structures de collecte illégale dans les premiers mois du développement du système frauduleux ont pu toucher des intérêts élevés, pour certains supérieurs au montant de leurs dépôts initiaux.

    C. Impact de la fraude sur l’activité des banques et de la micro finance

    On pourrait craindre que les dépôts effectués dans les structures illégales de collecte aient été massivement opérés par des transferts de fonds venant des comptes du secteur formel des banques et de la micro finance, comme certains entretiens ont pu le laisser entendre.

    Les données de la DNBCEAO ne retracent pas de variations inquiétantes des dépôts, aussi bien pour les banques, que pour les douze principales institutions de microfinance suivies par la banque centrale. Les dépôts du système bancaire ont globalement progressé, de fin décembre 2008 au 30 juin 2010, de FCFA 934,1 milliards à FCFA 1 095 milliards, qu’il s’agisse des comptes à terme, ou des comptes à vue. Pour les institutions de microfinance, et sur la même période, les dépôts ont également augmenté de FCFA 45,4 milliards, à FCFA 52,1 milliards. Cependant, la progression saisonnière des dépôts dans la microfinance observée habituellement après les Fêtes de fin d’année, a été, en 2010, plus faible qu’attendue. Quelques baisses dans certaines institutions ne reflètent pas la tendance générale.

    L’évolution des crédits accordés par les banques et les institutions de micro finance ne s’est pas écartée des tendances antérieures. Il n’est pas noté une forte croissance des impayés. Il a été avancé qu’une partie des dépôts opérés dans les structures de collecte illégale aurait été financée à partir de crédits consentis par les banques ou les institutions de micro finance, et détournés de leur objet affiché. Si tel était le cas, les crédits de ce type pourraient rapidement devenir compromis et venir gonfler le montant des créances douteuses des’ institutions agréées. Par voie de conséquence, la liquidité, voire la solvabilité de ces dernières pourrait être affectée. Quoique les crédits accordés à des déposants des structures de collecte illégale ne puissent être facilement repérés et recensés, on n’observe globalement, ni -chez les banques, ni chez les institutions de micro finance, une brusque croissance des concours accordés et des créances douteuses. En revanche, on note dans la micro finance quelques situations contrastées, qui pourraient augurer de difficultés dans le futur pour certaines institutions.

    En l’état des informations financières disponibles, l’impact de la crise sur le secteur financier formel devrait être contenu; il pourrait en revanche être plus significatif dans le secteur informel et dans l’économie toute entière.

    Le secteur informel de financement de l’économie est largement développé au Bénin (tontines, financements familiaux, communautaires et sur fonds propres). Or les dépôts collectés par les structures illégales semblent provenir essentiellement de ce secteur. En revanche, l’assèchement des liquidités dans le secteur financier informel (qui joue un rôle important dans le financement de l’artisanat, du commerce ou de l’agriculture), ainsi que les pertes subies par une fraction de la population, pourraient provoquer une diminution de la consommation. Les pertes annoncées représentent 5% du PIB. Néanmoins, le montant des fonds transférés par les escrocs hors du Bénin n’est pas connu; possible qu’une part des sommes illégalement collectées soit demeurée sur place (fonds retirés à temps par certains déposants et achat d’actifs par les initiateurs des schémas frauduleux) et que ces avoirs puissent ainsi, pour partie, alimenter la demande intérieure. • Quant à l’impact social de la perte des dépôts détournés, la Mission n’est pas en mesure de l’évaluer. En revanche, la crédibilité des institutions de supervision et de régulation, et au-delà, celle de l’Etat, s’est trouvé entamée.

    IV. LE CADRE LEGAL ET REGLEMENTAIRE

    Les textes applicables au moment de la survenance des opérations frauduleuses permettaient de sanctionner les comportements frauduleux. Ils ne comportaient des faiblesses ponctuelles que dans deux domaines: la sanction de la collecte illégale de dépôts, et la lutte contre le blanchiment d’argent.

    La mission a examiné le cadre légal et réglementaire afin de déterminer si le dispositif en vigueur ne comportait pas des lacunes ayant pu favoriser le développement des activités illégales de collecte de dépôts dans le public. Pour ce faire, dans un délai très bref, la mission a cherché à analyser tant les textes en vigueur, que ceux en cours d’adoption, concernant la BCEAO, la régulation bancaire et des systèmes financiers décentralisés, enfin ainsi la lutte contre le blanchiment des capitaux. A l’issu de cette première analyse, il apparaît que les textes applicables au moment de la survenance des opérations permettaient de sanctionner les fraudeurs, même s’ils comportaient des faiblesses ponctuelles dans deux domaines: la sanction de la collecte illégale de dépôts, et la lutte contre le blanchiment. Quelques améliorations sont donc à apporter au dispositif en vigueur.

    La loi bancaire permet d’incriminer la collecte illégale de dépôts en toutes circonstances. La loi bancaire existante (article 67) interdit à toute personne autre qu’une banque, ou une autre institution agrée, de collecter des fonds du public, quel qu’en soit le terme. En revanche, la loi du 8 aoùt1997 portant réglementation des institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit (c’est-à-dire notamment la micro finance) comporte des dispositions plus floues; cependant, la loi bancaire permet d’appréhender toute collecte de dépôts opérée par une institution non agréé quelle qu’elle soit. La loi bancaire communautaire en cours d’adoption par les législateurs nationaux (Cf. articles 67 et 106), reprend le dispositif répressif antérieur, et prévoit que toute collecte de dépôts hors du cadre légal peut être sanctionnée. Notons que la collecte opérée par les structures illégales pouvait être également incriminée sur la base de dispositions du code pénal, notamment l’escroquerie.

    Les peines maximales prévues par les différents textes à l’encontre des personnes opérant hors le cadre d’agréments souffrent d’un manque d’harmonisation. Elles sont également peu dissuasives. Les sanctions pénales figurant dans les lois en vigueur, et dans les textes en cours d’adoption, paraissent peu répressives à l’égard de ceux qui collecteraient des dépôts sans être agréés pour le faire. En outre, les sanctions ne sont pas pleinement cohérentes selon les textes. Dans la loi bancaire en cours d’adoption, les contrevenants encourent des peines d’un mois à 2 ans de prison et de FCFA 10 à 100 millions d’amende pour la récidive les peines prévues sont de 5 ans et de 300 millions), et seulement des peines de FCFA 2 à 10 millions dans le projet de loi sur les systèmes financiers décentralisés10. Il serait souhaitable que les peines maximales soient mises en cohérence, et qu’elles soient plus élevées. D’ailleurs, la faiblesse des peines encourues sur la base des textes prudentiels a conduit les Autorités judiciaires béninoises à engager des poursuites à l’encontre des auteurs présumés des fraudes sur des chefs d’escroquerie, et même d’association de malfaiteurs (cette dernière incrimination permettrait d’appliquer des peines criminelles et non plus seulement délictuelles).

    Les peines d’amende sont exprimées en francs CFA ; leur portée risque de se trouver amputée en cas d’érosion monétaire. Les amendes sont libellées dans la monnaie de la zone, ce qui les soumet à un risque de dévalorisation, alors qu’elles pourraient être fixées en rapport avec les montants des opérations effectuées de manière illégale.

    Les autorités de supervision ont à en référer à l’Autorité judiciaire pour interrompre les activités des entités non agrées et prononcer leur fermeture. Les superviseurs ne disposent d’aucun pouvoir légal pour enjoindre à une structure non agrée de cesser de collecter des dépôts du public et de mettre fin à ses activités.

    Le texte visant le financement du terrorisme n’a pas encore été adopté. Le dispositif de lutte anti-blanchiment stricto sensu est conforme aux standards internationaux, mais il n’est pas encore complété par le texte sur la prévention du financement du terrorisme, en cours d’examen par l’Assemblée du Bénin. Cette lacune est un handicap dans la mesure où, faute d’un texte visant le financement du terrorisme, la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) se voit refuser par ses contreparties hors UMOA la conclusion d’accords d’échange d’informations, ou l’adhésion au groupe EGMONT. Dans le cas présent de collecte frauduleuse des dépôts, cela nuit à la recherche des avoirs éventuellement transférés hors de la zone UEMOA.

    La loi bancaire ne prévoit pas un secret partagé entre les CENTIF et la CB-UMOA. La loi n’institue pas un secret partagé entre la Commission bancaire de l’UMOA (CB-UMOA) et la CENTIF, ce qui vaut pour les autres pays de l’UEMOA. De la sorte, la CENTIF n’est pas informée des manquements aux obligations de vigilance relevés par la CB-UMOA au cours de ses inspections dans des établissements agréés sur des dossiers individuels, ou des établissements dénommés (la CENTIF est cependant avisée des sanctions prononcées par la CB, tandis que la CENTIF doit remettre périodiquement à la BCEAO un rapport d’information11).

    V. LA MISE EN ŒUVRE DU CADRE LEGAL ET REGLEMENTAIRE

    Le cadre légal et réglementaire était suffisant pour empêcher le développement d’activités illégales de collecte de fonds. C’est la non-application de certains textes, l’insuffisance de la coopération entre Autorités, mais surtout les réactions tardives de celles-ci, qui ont permis aux structures de collecte illégale de se développer et de prospérer pendant une période de prés de deux ans.

    A.La non-application de textes

    Des textes prudentiels ont été appliqués tardivement, mais les activités de collecte illégale auraient pu aisément être poursuivies par les Autorités de l’Etat selon le droit commun et sans intervention des superviseurs du secteur financier. La mission a relevé la non-application ou l’application tardive de plusieurs dispositions légales et réglementaires de nature prudentielle relatives à l’activité financière. Néanmoins, la mission tient à souligner, que les structures de collecte illégale des dépôts opéraient à la vue de tous, et qu’elles proposaient des opérations financières si manifestement frauduleuses que leurs agissements tombaient sous le coup des dispositions pénales générales, dont les Autorités judiciaires en charge de la protection de l’ordre public et du respect du droit s’avèrent être les premières gardiennes.

    Pour ce qui est de l’application des textes prudentiels relatifs aux activités financières :

    - Les banques aux guichets desquelles ont été opérés, sans justification économique, des versements, puis des retraits de gros montants en espèces, n’ont pas adressé de déclarations de soupçon à la CENTIF avant février 2010, alors que des opérations suspectes étaient intervenues depuis au moins fin 200812. Ceci a pu retarder l’action des autorités.

    - Pour leur part, les organismes de micro finance, soumis à la législation anti-blanchiment, n’ont fait aucune déclaration à la CENTIF à ce jour.

    - Des établissements de crédit ont manqué à leurs obligations d’identification et de connaissance de la clientèle, d’une part en ouvrant des comptes à des clients dont les activités étaient mal identifiées, et d’autre part en permettant que s’opèrent des dépôts, des retraits, ou des virements, sans justification économique, en contradiction avec les dispositions de la loi anti blanchiment.

    - La CENTIF, créée par la loi du 31 octobre 2006, n’a été installée dans ses locaux qu’en mai 2009, après nomination de ses membres en 2008, retardant la mise en œuvre du dispositif anti-blanchiment, et la sensibilisation des établissements agréés à leurs obligations en ce domaine.

    - De son coté, la CB-UMOA n’a pas encore intégré dans ses missions de vérification sur place les investigations approfondies que requiert l’analyse de la mise en œuvre du dispositif de lutte anti-blanchiment au sein des banques. En tout état de cause, aucune infom1ation sur la non-application des textes n’a été transmise à la CENTIF.

    - La limitation des paiements en espèces à FCF A 100 000, instituée par un arrêté du Ministère de l’économie et des finances du 27 février 2003 n’est pas du tout appliquée dans les transactions. Le paiement en numéraire constitue le mode de paiement habituel, notamment dans le secteur informel.

    B. Les réactions tardives et la mauvaise coordination entre Autorités

    Les Autorités ont agi tardivement, n’ayant pas pris, chacune dans sa fonction, la pleine mesure de son rôle de supervision.

    Les Autorités avaient été avisées, au moins dès mi 2009, des opérations de collecte illégale. Selon les témoignages recueillis auprès des associations professionnelles de la banque et de la micro finance, les Autorités (DN-BCEAO et Ministère des Finances) chargées de veiller à la stabilité financière et au respect des activités réglementées, comme la réception de dépôts du public, ont été mises au courant, dès le premier semestre 2009, de l’existence de structures de collecte illégale opérant sur une vaste échelle. Elles ont été informées officiellement de ces circuits illégaux par une lettre du 4 août 2009 de l’Association professionnelle des banques et des établissements financiers à la DN-BCEAO, laquelle a ensuite transmis un rapport au Ministre des Finances. Les autorités auraient également été alertées ultérieurement à d’autres reprises. Ainsi, selon le compte rendu publié par le bulletin mensuel du Consortium ALAFIAI5, les associations professionnelles avaient clairement informé toutes les autorités en charge de la régulation financière lors d’une réunion tenue au ministère de l’économie et des finances le 21 mai 2010. En outre, des communiqués ont été publiés par certains acteursl6. De plus, selon les témoignages recueillis, les structures de collecte illégale opéraient aux yeux de tous. Elles affichaient publiquement la promesse de taux d’intérêt extravagants, lesquels devaient être analysés par tout citoyen éduqué comme constituant le support d’une fraude. Néanmoins, les autorités n’ont pris des mesures d’information du public et de gestion de la crise qu’après le 26 juin 2010.

    Une action coordonnée et de vaste ampleur d’information du public aurait dû pourtant être engagée au moins dès l’été 2009. De même, des mesures conservatoires de fermeture des structures opérant illégalement et de blocage de leurs comptes auraient dû intervenir beaucoup plus tôt. .

    Les Autorités chargés de la stabilité financière (DN-BCEAO, différents services du Ministère de l’économie et des finances) auraient dû se coordonner pour suivre les activités financières développées dans le secteur informel, et chercher ainsi à appréhender les risques qu’il était susceptible de générer. En effet, s’est développé au Bénin un large secteur financier informel, notamment sous forme de tontines. Celui-ci participe au financement d’activités économiques familiales, artisanales, ou exercées par de petites entreprises et supplée les insuffisances du secteur formel. Néanmoins, le développement dans ce secteur d’agissements frauduleux de grande ampleur est de nature à mettre en péril tant l’épargne publique, que la stabilité de l’ensemble du secteur financier. De ce fait, il est indispensable que les autorités chargées de veiller à la stabilité financière appréhendent les risques qui pourraient apparaître du fait d’opérations menées dans le secteur informel. Or, la DNBCEAO et les services du Ministère de l’économie et des finances ne se coordonnent pas en la matière. Par ailleurs, il ne paraît pas opérant que la Direction des affaires monétaires et financières et la Cellule de surveillance des structures financières décentralisées ne soient pas placées sous la même responsabilité au sein du Ministère de l’économie et des finances.

    C. Une insuffisance de moyens

    Certains acteurs de la surveillance ne disposent pas des moyens adéquats pour exercer pleinement leurs missions.

    La CENTIF est encore en cours de structuration. Au moment des faits, elle n’était pas encore dotée de tous les moyens matériels et humains nécessaires.

    La Direction des affaires monétaires et financières ne dispose que d’un cadre pour le service de la monnaie et du crédit, en charge de la surveillance macro économique du secteur financier.

    La Cellule de surveillance des structures financières décentralisées compte 25 cadres réunis dans 4 services, avec un service de contrôle sur pièce et sur place de 5 personnes pour surveiller 54 SFD. En l’état, les attributions actuelles de la cellule ne prévoient pas la veille des institutions non agréées. Si le mandat de la cellule devait être élargi à cette mission, ses moyens seraient alors insuffisants.

    VI. LES RECOMMANDATIONS

    Sur base de ces dysfonctionnements, la mission formule les recommandations suivantes :

    - Les textes communautaires devraient être transposés le plus rapidement possible dans la législation nationale. Il en est ainsi plus particulièrement de celle relative à la prévention et à la répression du financement du terrorisme.

    - Il conviendrait d’harmoniser et de renforcer les sanctions visant la collecte illégale de dépôts (article 76 du projet de loi portant réglementation des systèmes financiers décentralisés, et articles 67 et 106 de la nouvelle loi bancaire).

    Les peines d’amende prévues pour sanctionner les activités exercées illégalement devraient faire référence au montant des opérations illicites (par exemple au montant des fonds illégalement collectés).

    - Le Gouverneur de la BCEAO et le Ministre des finances devraient disposer du pouvoir d’enjoindre à une entité collectant des dépôts du public et/ou réalisant des opérations de crédit, sans être agréée à cet effet, de cesser ses activités, voire de prononcer sa fermeture. Cette faculté permettrait de recourir plus facilement à la force publique.

    - La DN-BCEAO, la Direction des affaires monétaires et financières et la Cellule de surveillance des structures financières décentralisées du Ministère de l’économie et des finances devraient exercer une fonction de veille permanente et coordonnée sur l’ensemble du secteur financier, y compris du secteur informel, en raison du poids de ce dernier dans l’économie du Bénin. En particulier, les activités de collecte de fonds développées dans le secteur informel devraient faire l’objet d’une vigilance particulière, afin de détecter celles qui constitueraient un appel illicite à l’épargne publique ou celles qui seraient susceptibles d’avoir un impact négatif sur la stabilité financière. Cette veille devrait prendre la forme de réunions périodiques des représentants des entités précitées, lesquels devraient prendre fréquemment l’attache des associations professionnelles et des acteurs eux-mêmes. Le comité de veille pourrait être assisté d’un secrétariat pem1anent ayant les moyens de conduire des enquêtes en cas de besoin et offrant aux acteurs et au public un contact pour dénoncer des pratiques illégales.

    - Pour faciliter cette vigilance, il serait souhaitable que les représentants des Autorités précités se réunissent périodiquement dans le cadre d’un comité de liaison institué et y associe la CENTIF.

    - Une coopération étroite devrait en outre être organisée entre la CB-UMOA, la BCEAO et le Ministère de l’économie et des finances en matière de contrôle des systèmes financiers décentralisés. En effet, aux termes du projet de loi sur les systèmes financiers décentralisés, le Ministre, la BCEAO et la CB disposeront du pouvoir de procéder à des contrôles sur les principales institutions

    - Lorsqu’elle a connaissance d’activités illicites, telle la collecte de dépôts par des structures non habilitées, la DN-BCEAO devrait en informer l’Autorité judiciaire, parallèlement au Ministre des Finances et son siège à Dakar.

    - Il conviendrait que la loi permette explicitement des échanges entre la CENTIF et les Autorités de contrôle ayant pouvoir disciplinaire (CB-UEMOA ou Ministre de l’économie et des finances) sur le respect par les établissements de leurs obligations en matière de lutte anti-blanchiment.

    - La CENTIF devrait accentuer ses actions d’information et de sensibilisation des établissements financiers à leurs obligations de vigilance et de déclaration.





    Dernière édition par Admin le Lun 6 Déc 2010 - 12:01, édité 1 fois
    Admin
    Admin
    LE Grande Guide


    Messages : 1565
    Réputation : 0
    Date d'inscription : 29/05/2009
    Localisation : Cotonou

    PLACEMENT ILLEGAL D’ARGENT AU BENIN: Le rapport du FMI sur l’affaire ICC-Services Empty Re: PLACEMENT ILLEGAL D’ARGENT AU BENIN: Le rapport du FMI sur l’affaire ICC-Services

    Message par Admin Lun 6 Déc 2010 - 11:45

    PLACEMENT ILLÉGAL D’ARGENT AU BÉNIN: Le rapport du FMI sur l’affaire ICC-Services (suite)


    FONDS MONETAIRE INTERNATIONAL DEPARTEMENT DES MARCHES MONETAIRES ET DES CAPITAUX

    I. INTRODUCTION


    1. Cette annexe au Rapport sur l’assistance technique accordée au Bénin présente le contexte des mesures prises par les Autorités béninoises face à des structures Ponzi complexes qui se sont effondrées en juillet 2010, et formule à l’endroit desdites Autorités quelques conseils pour l’avenir. MCM détient en toute sécurité tout exemplaire du présent rapport.

    2. Sollicitée Par le Président de la République, la mission s’est déroulée du 11 au 24 septembre 2010. En plus des audiences que Son Excellence Dr. T. Boni Yayi, Président de la République leur a accordées, les membres de la mission ont rencontré le Ministre d’État chargé de la prospective, du développement, de l’évaluation des politiques publiques et de la coordination de l’action gouvernementale, Président du Comité de crise, le Ministre de l’Économie et des Finances, le Ministre de la micro finance, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), le Comité de Suivi, la Commission d’Enquête Judiciaire, la Cellule de traitement des informations financières (CENTIF), l’Association professionnelle des Banques et établissements financiers du Bénin (APBEF-Benin), l’Association des institutions de micro finance du Bénin (le Consortium ALAFIA) et le coordonnateur de la Cellule de surveillance des structures financières décentralisées (CSSFD).

    3. En juillet 2006, le gouvernement béninois a mis un terme aux activités de 70 structures illégales de collecte d’épargne qui semblent avoir opéré frauduleusement à la manière des systèmes Ponzi. Bien que l’État béninois poursuit ses investigations sur les plaintes des déposants et que les chiffres soient encore provisoires, près de 300.000 personnes (environ 3,4% de la population béninoise) ont été spoliées pour un montant estimé à environ 155,6 milliards de francs CFA (près de 300 millions de dollars des États-Unis), soit environ 5% du PIB. L’on ne saurait dire avec précision si les 155.6 milliards ne représentent que le capital, le capital et les intérêts ou le capital et les intérêts inconnus payés pendant le trimestre précédant l’enquête statistique. 4. L’État béninois a été critiqué pour sa lenteur dans la prise de décision qui a conduit à la fermeture de ces structures illégales de collecte et de placement de fonds. En outre, le Ministre de l’Intérieur et le Procureur Général ont été limogés et le Coordonnateur de la CSSFD a été arrêté pour association de malfaiteurs en juillet 2010. Le Gouvernement béninois a lancé une opération visant à recenser les déposants et les montants déposés. Le remboursement de certains déposants a commencé le 13 septembre 2010 à partir des fonds saisis et sur la base de la liste des déposants identifiés.

    II. CONTEXTE

    5. Le Bénin est un pays francophone de l’Afrique de l’Ouest avec un revenu par habitant d’environ 800 $EU (Projections PIB 2010). C’est un pays membre de l’Union Économique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) avec 12 banques commerciales dont le total des actifs atteignait environ 1.154,67 milliards de francs CFA à fin 2009. Il possède plus de 700 institutions, autorisées ou non, de micro finance qui collectent des épargnes.

    6. Au Bénin, les institutions dites de micro finance ont pour racines les structures informelles d’épargne qui octroient de petits crédits aux épargnants. La structure qui se lance dans la collecte d’épargne est sensée au préalable obtenir l’agrément du Ministère de l’Économie et des Finances après avis favorable de la CSSFD.18Très souvent, ces structures commencent à exercer leurs activités avant de demander l’agrément. Elles attendent d’atteindre une taille suffisante avant d’officialiser leurs activités par un agrément. Les institutions de micro finance d’épargne et de crédit ne sont pas censées exercer sans autorisation mais la CSSFD ne dispose pas d’un personnel suffisant pour des investigations sur ces structures. La CSSFD détient cependant d’un répertoire de toutes les structures autorisées ou non qui se sont présentées à elles, soient au total plus de 700 structures.

    7. En 2006, une structure informelle de collecte d’épargne s’est établie comme

    Un groupe de collecte d’épargne au sein d’une organisation non-gouvernementale (ONG) non autorisée, appelée Investment Consultancy and Computing Services (ICC Services), avec des promesses de taux d’intérêt extraordinaires, à l’image d’un plan Ponzi Subséquemment, des sous-structures apparentées ou non ainsi que des filiales propres de l’lCC Services ont vu le jour. En septembre 2009, la Direction Nationale de la BCEAO à Cotonou, suite à des plaintes émanant de l’ APBEF, a invité les opérateurs de ses structures illégales à identifier leurs activités. Vers fin juin 2010, l’État a mis sur pied plusieurs comités pour gérer la crise et près de 70 structures ont reçu l’ordre de renoncer immédiatement à leurs activités. Par le biais de ces comités, un recensement a été lancé dans Le but d’identifier ces structures illégales, leurs promoteurs (plusieurs d’entre eux sont écroués et en attente de jugement), leurs créanciers ainsi que leurs actifs. Le recensement est en cours. Selon les estimations récentes, 70 structures exercent leurs activités dans l’illégalité; les 67 structures recensées jusqu’ici auraient reçu des dépôts d’un montant total d’environ 156 milliards de francs CFA (environ 311 millions de dollars des États-Unis) pour à peu près 150.000 déposants (le nombre réel des déposants dépassant 300.000 personnes, selon les estimations).

    8. Le 29 juin, l’État béninois a mis sur pied plusieurs comités inter-agence pour 18 A moins qu’elle ne souhaite devenir une banque commerciale, auquel cas elle doit obtenir un agrément auprès Ministère de l’Économie et des Finances, après avis favorable de la Commission bancaire de l’UEMOA.

    9. Solution à la crise. Le recensement des déposants et des actifs des structures Concernées s’est déroulé du 19 juillet au 3 septembre 2010. Les structures ont reçu l’ordre de cesser leurs activités. Mais l’État ne les a pas saisies ou pris possession d’elles; il s’est plutôt contenté de mesures conservatoires. Aussi, les structures devaient-elles assurer leur propre liquidation et rembourser leurs créanciers. Certaines des structures plus récentes ont des actifs plus considérables tandis que d’autres en ont très peu. Le gouvernement a, au début du mois de septembre, annoncé son intention de veiller à ce que les petits déposants soient remboursés en priorité mais reste à savoir si cette décision est inattaquable au plan juridique.

    10. Sur la base des estimations actuelles, les dettes à rembourser par ces structures Capital initial plus intérêts) atteignent 5,0% du PIB 2009. Les dépôts en question

    Représentaient environ1 3, 5% des actifs du système bancaire. Le nombre des créanciers de ces structures représentaient 1,7 et 3,4% de la population. Ensemble, les structures concernées détiennent un montant d’actifs identifiables d’environ 8 millions de dollars des États-Unis. Si cette somme servait à rembourser tous les dépôts encaissés depuis juillet 2010, le taux de recouvrement serait proche de 2,6%.

    11. Il important de noter qu’ICC Services semble être la structure initiale. D’autres structures illégales ont vu le jour plus tard (certaines comme des succursales de ICC Services qui, par la suite, sont devenues autonomes)). On estime que la plupart des structures subséquentes se sont implantées en 2009- suivant le modèle d’affaire d’ICC Services, mais faisant des placements sur place. Comme constaté, certaines de ces structures (estimées à environ 63) pourraient rembourser tous leurs déposants:»

    12. ICC Services a lancé ces activités en offrant des taux d’intérêt atteignant 40% par trimestre. Plus tard, ces structures auraient offert des taux d’intérêt de 100 à 300%. On ne saurait dire si ces fonds étaient placés à terme, soumis à des taux d’intérêt fixes Olt à d’autres engagements. Il est clair que certains gros déposants seraient vraisemblablement impliqué dans la fraudre, ayant sorti leurs fonds juste avant les mesure de juillet 2010.le gouvernement estime que beaucoup de déposants ne se sont pas plaint, et ce pour deux raisons: primo, certains petits déposants « innocents» craignent peut-être que l’Etat ne sévissent ou sont plutôt embarrassés; secundo, certains gros déposants «pas innocents», qui 0nt dû largement profiter des paiements- effectués par ces structures illégales dès l début, seraient jugés coupables (et donc sommés de rembourser) si leur situation venait à être connue.

    13. ICC Services a été lancé par un individu qui a mis en œuvre une structure illégal de collecte d’épargne en Côte d’Ivoire. Les autorités ivoiriennes ont fermé sa société qu’il a dû rétablir par le truchement d’une ONG associée à un groupe de chrétiens célestes (Église du Christianisme céleste).

    14. Quatre grandes autres structures ont ou n’ont peut-être pas de liens avec ICC Services, mais leur modus operandi semble être quasi similaire. Certaines des structures subséquentes ont dû tenter d’investir dans des activités commerciales, et ce sur place. Toute fois ces quatre structures et ICC Services semblent ne pas avoir fait de même. Il s’agit de NTIC-Service, Engineering Information Communication Technology, MICC Services International, et Suram Angel.

    15. Il est clair que ces structures prétendent avoir des liens avec les technologies modernes (systèmes informatiques et d’information). C’est très courant que dans un système où les structures de fraude sont légion, des thèmes similaires soient utilisés par ces structures pour clamer leur légitimité.19 En outre, il est de coutume qu’elles se prévalent des attaches de créanciers potentiels tels que les groupes religieux ou sociaux. Au Bénin, les structures impliquées semblent fortement se reposer sur des groupements de chrétiens évangéliques.

    16. Ces dernières années ont été marquées par une augmentation des cas de fraude financière impliquant d’importantes couches de la population dans plusieurs pays, notamment dans des pays à système financier peu développé. La fraude simple (signer un contrat sans l’intention d’en respecter les clauses) devient beaucoup plus difficiles à identifier lorsque que le fraudeur utilise ce11aines astuces financières pour rendre l’affaire ou la structure plus légitime et plus sophistiquée, même parfois affligeante pour les victimes de la fraude; en général, ces fraudes ne nuisent qu’à l’économie au sens large du terme et ne menacent pas le système. Cependant, lorsque ces structures prennent de l’ampleur, comme en Albanie en 1996 ou au Lesotho en 2007, elles peuvent causer ou risquer de causer d’importants dégâts.

    17. Élaborer des méthodes pour combattre les structures financières frauduleuses et les institutions financières non autorisées est de plus en plus une priorité. Puisque ces structures profitent de la fragmentation des règlements financiers et de l’arbitrage règlementaire dans et entre les pays, il faudra, pour les combattre, une collaboration efficace au niveau régional entre les agences de contrôle financières et celles chargées de l’application de la loi.

    18. La crise de la structure pyramidale en Albanie (1996-1997), crise inédite du fait de la taille des structures par rapport à l’économie albanaise, est bien documentée. Au beau milieu de la crise, la valeur nominale des passifs de ces structures approchait la moitié du PIB. «L’effondrement de ces structures a provoqué des émeutes incontrôlables et la chute du gouvernement. Le pays plongea dans le chaos et dans une quasi guerre civile qui fit 2000 morts.20 Une caractéristique clef de la crise de la structure pyramidale en Albanie fut le nombre de structures frauduleuses autonomes. Ces structures se livraient une concurrence farouche au niveau des taux d’intérêt, se créant ainsi des difficultés de trésorerie. Cette situation est considérée comme l’élément déclencheur de la chute du système.

    19. Moins connue est l’expérience du Lesotho avec une grosse structure Ponzi. Celle- ci a pu exercer ses activités pendant plus de sept ans avant de connaître des problèmes de liquidités. Avant toute intervention, son passif avait atteint presque 8% du PIB. En effet, il s’agissait d’un ensemble de structures gérées par une entité complexe à vocation commerciale, née d’une mutuelle d’inhumation issue elle-même du « Funeral parlour ». En lieu et place d’opérateurs rivaux, une seule entité propose plusieurs structures. Cette entité a pu exercer ses activités pendant plusieurs années en partie en créant des structures successives avec des produits à plus longue échéance. Les fonds collectés pour les structures subséquentes étaient utilisés par les opérateurs pour honorer les retraits au titre des premiers produits à échéance plus brève. Le total des passifs a connu une forte augmentation mais pour résorber la crise, les autorités semblent avoir choisi de limiter les remboursements à la mise initiale réduisant ainsi de façon spectaculaire les passifs potentiels.

    20. Dans le cadre de l’assistance technique qu’il a fourni au Lesotho et au Swaziland suite à la crise causée par les structures de type Ponzi et pyramidal et aux fraudes financières en Afrique subsaharienne, le FMI a eu à connaître des fraudes financières dans d’autres pays comme le Kenya, le Nigeria, l’Ouganda etc …. Excepté au Lesotho, les petites pyramides étaient plus répandues en Afrique subsaharienne. Une solution leur a été apportée pour la plupart. Celle-ci n’est pas la seule région où le FMI s’emploie à fournir l’assistance technique sur cette question. Beaucoup de travaux ont été réalisés, par exemple en Jamaïque et dans d’autres pays des Caraïbes.

    A. Mythes et énigme


    21. Question énigmatique: comment se fait-il que les Pouvoirs publics ont-ils du mal à s’attaquer aux fraudes financières et que ces fraudes n’en finissent pas? L’une des principales raisons est que les structures frauduleuses exploitent habilement les lacunes contenues dans les réglementations. Il est difficile pour le régulateur d’amener l’institution financière non autorisée à cesser ses activités, car il lui faudra prouver qu’elle exerce dans l’illégalité, ou montrer en tant que l’organe de contrôle compétent, que la structure ou l’entreprise mène des activités de collecte d’épargne, d’assurance ou d’autres activités sans autorisation. En effet, le régulateur ne peut obtenir l’information nécessaire si les auteurs de la fraude ne coopèrent pas, et s’il n’a pas été saisi sur la base de faits bien établis. Des actions visant à obtenir l’information peuvent présenter quelque complication au plan juridique, et bon nombre de régulateurs préfèrent ne pas prendre le risque d’une action en justice. Les plus fins déposants ou investisseurs préfèrent ne pas déposer une plainte formelle, parce qu’ils savent qu’ils ne pourront probablement pas se faire rembourser une fois la structure fermée. Souvent, les textes légaux ne définissent ni n’interdisent les structures Ponzi ou pyramidales, et dans beaucoup de pays, l’on ne saurait dire avec une clarté juridique combien de ces textes sont effectivement appliqués.

    22. Comme on l’a vu récemment avec ce qui apparaît comme un Ponzi de plusieurs milliards de dollars à Wall Street, c’est un mythe de croire que les structures de type Ponzi, en pyramide et autres systèmes de fraude se limitent à des victimes naïves, ou

    sont plus courants dans des systèmes financiers peu sophistiqués. En effet, les données statistiques montrent que les États-Unis ont probablement connu plus de structures Ponzi ou pyramidales que n’importe quel autre pays. Cependant, du fait de la taille de son économie et de son système financier, ce pays est mieux outillé pour faire face aux pertes engendrées par ces structures. Ce qui n’est vraiment pas un soulagement pour ceux qui font des placements dans ces structures.

    23. Les pays en développement dont les marchés financiers sont peu solides sont plus vulnérables aux conséquences des systèmes de fraude qui s’étendent ou s’intègrent dans le secteur financier formel, en particulier dans le secteur bancaire. Les pertes encourues par un grand nombre de personnes ou de grosses pertes accumulées par une forte proportion de la population peuvent perturber l’économie.

    24. Néanmoins, dans plusieurs épisodes de scandale financier, ces des personnes à revenus moyens qui ont été visées. Les professionnels qui ont de l’argent à épargner ou à investir peuvent être une bonne cible s’ils recherchent des taux d’intérêt plus élevés que ceux offerts par les banques ou les polices d’assurance-vie. D’aucuns seraient portés à croire que ceux-là au moins pourraient, mieux que les ménages, supporter les pertes. Il n’en demeure pas moins vrai que les pertes qu’ils enregistrent aient des effets secondaires plus importants.

    25. Une structure pyramidale communément considérée par ses promoteurs comme une structure de commercialisation à plusieurs niveaux, compte des membres qui payent des droits d’adhésion. A chaque membre on promet un gain (en espèce ou en nature, d’un montant généralement plus élevé que le droit d’adhésion) pour pouvoir attirer d’autres membres. Par exemple, chaque membre peut avoir à recruter cinq autres membres qui devront à leur tour recruter chacun cinq membres et ainsi de suite pour pouvoir bénéficier des gains. Pendant que les gains promis font davantage d’adhérents, le nombre de nouveaux membres qui doivent au bout du compte percevoir les gains, croit de façon exponentielle, et dépasse très rapidement la population cible, ce qui laisse la plupart des membres les mains vides. Les malheureux investisseurs sont escroquées et ces structures individuelles s’effondrent comme un château de cartes et ne poussent pas jusqu’à constituer une menace pour le système financier ou l’économie.

    26. Les structures Ponzi sont potentiellement plus dangereuses -elles sont promues comme des plans d’investissement qui promettent des taux d’intérêt relativement élevés sur des dépôts à terme. Plutôt que de placer les fonds reçus, elles font les premiers paiements promis sur les dépôts faits par les adhérents subséquents. Les paiements effectués aux premiers déposants renforcent la crédibilité de la structure et suscitent ainsi l’engouement d’un nombre croissant d’adhérents.- Même si un simple calcul montre que la structure finira par disparaître, les meilleurs opérateurs du système Ponzi ont effectué des paiements ciblés pour renforcer la crédibilité du système et amener les déposants à réinvestir plutôt qu’à retirer leurs gains. Ce «renouvellement» de fonds peut permettre aux structures d’exercer leurs’ activités pendant plusieurs années Jusqu’aux problèmes ‘de trésorerie et à la crise. L’accumulation du passif par ces structures (aussi bien en capital qu’en intérêts ou autres gains promis) peut se poursuivre au point de devenir systémique.

    27-Les structures pyramidales et Ponzi connaissent généralement trois phases. La première est celle de démarrage et de validation lorsque que les gros montants d’intérêt facilement perçus par les premiers déposants suscitent une forte publicité de bouche à oreille. La deuxième phase est celle d’expansion lorsque le nombre d’adhérents augmente fortement ou lorsque de grosses sommes sont déposées. La troisième, est celle de la crise, quand les promoteurs sont en cessation de paiement et que les promoteurs tentent de s’enfuir avec les fonds. D’habitude, aucune des stmctures ne mène des activités commerciales ou de placements capables de générer les hauts gains promis, même si certaines d’entre elles se cachent derrière d’autres transactions, produits ou services. Par ailleurs, les fraudeurs peuvent établir des structures séparées combinant les caractéristiques des deux systèmes (Ponzi et Pyramide) pour prolonger leurs activités. Il est intéressant de noter que la plupart des opérateurs du système Ponzi ont réussi à étendre leurs activités grâce à des dons caritatifs, ostensoirs, à d’importantes contributions en faveurs des hommes politiques et à des démonstrations prétentieuses de la fortune et de leur structure. Avant la crise, les promoteurs des structures Ponzi peuvent être considérés comme des piliers de leurs communautés. Ce qui rend l’intervention des Pouvoirs publics encore plus difficiles.

    Contraintes dans le lutte contre les pyramides et les Ponzi

    28. Le contrôle ou la fermeture des pyramides, particulièrement des structures Ponzi, peut s’avérer difficile, aussi bien au plan politique qu’au plan juridique, surtout lorsque des politiciens ou des personnalités de haut rang ont fait ont fait des dépôts auprès de ces structures. Une caractéristique de la crise-en Jamaïque à la quelle le Lesotho semble avoir eu recours est l’idée selon laquelle ces structures peuvent servir les organisations caritatives, en particulier les églises. Du fait de leur dimension, ces organisations sociales constituent des cibles privilégiées pour les pyramides. Une fois convaincus, leurs responsables peuvent devenir des défenseurs ardents, mais innocents, de ces structures. Il est également de coutume que ceux qui dirigent ces structures illégales deviennent des animateurs clef de leur communauté et des principaux donateurs des œuvres de charité. Alors qu’en toute légitimité, ces contributions profitent aux populations démunies, la plus grosse partie va aux promoteurs de ces structures qui visent également de grandes célébrités montrant à grand renfort de publicité leurs reçus des intérêts promis. Ce qui aide à établir la crédibilité de la structure.

    29. Une fois que la structure frauduleuse atteint une taille considérable, les Autorités peuvent avoir du mal à sonner le glas. Fondamentalement, les structures Ponzi ne sont pas viables. Si une structure de ce type tombe spontanément, les déposants accuseront ses promoteurs. Mais si c’est les Pouvoirs publics qui la ferment ou suspendent ses activités réduisant ainsi sa capacité à faire face à ses obligations de trésorerie les déposants loyaux peuvent incriminer l’intervention plutôt que de mettre en cause les lacunes inhérentes à la structure financière.

    30. La prise de mesures contre les structures pyramidales, particulièrement contre les structures Ponzi peut être difficile sur les plans juridique, politique et social. Une lutte efficace et prompte contre ses structures requiert une capacité légale et constitutionnelle soutenu par un engagement politique. Ces exigences peuvent s’avérer particulièrement difficiles pour les pays dont les infrastructures financières sont relativement faibles. A cela, s’ajoute la faible capacité en matière d’application de la loi dans un contexte où nombre de structures exploitent les lacunes de la loi. La plupart des pays ont la capacité de mener des enquêtes, mais la vraie difficulté touche au mécanisme d’application de la loi (accès à l’information et à l’action publique). En outre, le repêchage ou la liquidation des structures financières illégales peuvent être à l’origine d’énormes difficultés pour les autorités, surtout que, d’une manière générale, les auteurs disparaissent avec les actifs.

    31. Quelle que soit la difficulté, la vitesse de l’intervention de contrôle est un facteur clef dans la limitation des pertes accumulées. La sensibilisation du public sur les fraudes financières de type Ponzi et pyramidal peut être très utile mais ne peut suffire à elle seule pour résoudre définitivement le problème. Plusieurs pays mettent sur leurs sites Web les noms des entités ou structures non agréées par les agents chargés du contrôle du secteur financier.

    32. Les régulateurs en Afrique subsaharienne ont de l’expérience dans la lutte contre les fraudes financières. Ils élaborent de meilleures approches en matière de supervision ainsi que de meilleures méthodes pour l’éducation du public et le partage d’informations dans la région. Il importe que les régulateurs du secteur financier et les agents chargés de l’application de la loi collaborent et échangent des informations aussi bien au sein qu’en dehors de leur pays. Avant que les textes sur les titres ne soient votés avec des clauses spécifiques aux fraudes financières, le meilleur moyen pour combattre ces structures illégales passe par un système bien élaboré axé sur le respect des mesures portant interdiction des structures de collecte d’épargne. En effet, la meilleure stratégie consiste à sévir contre les institutions qui ne sont pas autorisées à collecter des dépôts auprès du public.

    IV. Recommandations

    33. Les présentes recommandations sont formulées ad referendum et sous réserve de l’examen par le Siège.

    A. Recommandations générales

    34. Une condition préalable pour s’attaquer de front aux structures Ponzi ou Pyramidales, ou à d’autres formes de fraudes financières, ou d’inconduite fiduciaire ou financière consiste, avant tout, à s’assurer qu’une telle structure ou inconduite est illégale et passible de poursuites. Souvent, les cadres juridiques ne sont assez spécifiques pour permettre des poursuites en justice par l’autorité compétente. Dans ce cas, d’autres aspects de la loi en vigueur doivent s’appliquer afin d’établir la base d’une intervention réglementaire. Par exemple, les entités suspectées peuvent se soustraire aux exigences relatives à l’octroi d’agrément et aux rapports financiers. Toutefois, le cadre légal peut être suffisamment large pour couvrir toute action prise par les autorités; néanmoins, il peut- y avoir des difficultés au niveau de l’application des dispositions générales de la loi, ce qui se traduirait par un retard. Comme nous l’avons vu dans la section sur les structures Ponzi, tout retard favorise la structure incriminée et est susceptible d’augmenter le montant des passifs.

    35. Les trois plus importants éléments pour les Autorités face à une structure Ponzi sont (1) la vitesse d’action; (2) les informations sur la structure, sa clientèle, et ses passifs projetés; et (3) l’application de la loi selon les procédures prévues. Il est préférable que les fonds publics ne soient pas utilisés pour rembourser les déposants, mais ce n’est pas toujours le cas et la décision prise en pareille circonstance est considérée comme souveraines. Il faut une réaction ‘prompte et appropriée face à l’inconduite. Il est important que l’Etat engage une action bien coordonnée afin de chercher à savoir, sans tarder, si la structure opère dans l’illégalité, et si oui, intervenir immédiatement pour résoudre le problème à temps et de façon raisonnable. L’application de la loi selon les procédures prévues est importante pour éviter les retards dus aux procès, s’assurer que les actions prises par rapport aux biens immobiliers sont sanctionnées par des décisions en justice, et pour préserver la réputation des autorités.

    36. Étant donné que ces entreprises financières frauduleuses relèvent de différentes instances de régulation, il importe de garantir une coopération étroite entre les régulateurs. De surcroît, il est préférable que les autorités policières qui ont peut-être plus de pouvoir, sur le plan légal, soient étroitement impliquées si elles n’en venaient pas à jouer le rôle principal.

    37. Les responsables publics et les régulateurs impliqués dans la recherche de solutions à la crise doivent veiller à ce que toutes les procédures soient respectées et tous les actes consignés. La préservation de l’intégrité et de la réputation de l’Autorité revêt une importance capitale. Ceux qui sont impliqué dans les consultations sur la crise ou qui ont quelque connaissance du sujet doivent se protéger, protéger leur réputation et crédibilité, et protéger la réputation et la crédibilité de leurs institutions et de leurs gouvernement, mais seulement par les voies légales prévues à cet effet. Toutes les actions doivent être soumises à une évaluation ex post et les responsabilités attribuées par rapport à l’action ou l’inaction. Il est recommandé que les autorités mettent sur pied un groupe restreint pour se pencher sur le processus, la stratégie à suivre, les découvertes, les interventions à mener et la résolution de la crise. Un cadre et/ou la démarche à suivre doit être bien formulé, documenté et respecté. Il est important de prévoir l’indemnisation du personnel afin de dévoiler ou de prévenir tout conflit d’intérêts, protéger le personnel contre toute atteinte à sa personne, et garantir le respect des procédures prévues pour le licenciement du personnel. Les autorités doivent mettre le personnel à l’abri de toute action civile ou pénale, et assurer sa sécurité physique.

    38. Pour les actions actuelles et pour une détection rapide des cas d’inconduite à l’avenir, les autorités doivent mettre en place un système sécurisé de gestion de l’information intégrant les cas découverts comme unité informationnelle. Ce système doit est élaboré en ayant à l’esprit le fait que les actions actuelles et leurs motifs sont bien documentés pour des décisions spécifiques et pour une évaluation ultérieure des actions entreprises. Et que les informations sur les auteurs de l’inconduite et leurs complices sont incorporées dans ce système afin de faciliter de nouvelles découvertes à l’avenir.

    39. Il est important pour une agence qui engage une action de bénéficier du soutien et de la coopération du gouvernement et d’autres agences étatiques – notamment les tribunaux et les instances chargées de l’application de la loi. Une stratégie employée par les entités qui se conduisent mal consiste à entraver légalement et politiquement la capacité de l’Autorité de tutelle à conduire les actions.

    40. Le niveau de la confidentialité qui doit entourer le processus doit être déterminé afin de ne pas alerter les auteurs présumés de la mauvaise conduite qui chercheront à sortir des actifs de l’entreprise de la juridiction légale. Si la crise intervient et que beaucoup de gens savent que la structure est accusée de fraude par le gouvernement, celui-ci doit offrir un certain niveau de transparence- en cherchant le juste milieu entre responsabilité et processus judiciaire. Néanmoins, toutes les actions doivent être enregistrées pour une évaluation ex post des responsabilités. Toutes les actions doivent être manifestement de bonne foi.

    41. Bien que l’entreprise ou la structure n’ait peut-être pas fourni d’informations financières, l’Autorité devra procéder diligemment à une évaluation des passifs de l’entreprise ou de la structure. Les autorités doivent savoir qui est les clients et combien ils sont. Ce renseignement est nécessaire pour une meilleure appréciation des conséquences systématiques ou économique potentielles de l’action ou de l’inaction contre l’entreprise ou la structure. Il devra surtout être obtenu à partir des mouvements de trésorerie de l’entreprise ou de la structure sur les comptes des déposants.

    42. L’aptitude des Autorités à établir la nature financière d’une présumée mauvaise conduite (d’un individu ou d’une institution) dépend largement de l’information financière sur la nature de l’entreprise. La capacité des Autorités à exécuter ou à commander de tels audits doit être établie. Les relations de l’auditeur doivent être établies avant l’action.

    43. Comme chaque entité financière est tenue de publier ses comptes,

    une responsabilité fiduciaire, explicite ou implicite, le rôle des comptables apparentés, auditeurs et évaluateurs, et autres agents employés par l’entité doit être examiné par les Autorités. En vue du renforcement des capacités, les professionnels qui sont invités à émettre un avis sur la crédibilité financière d’une structure doivent être tenus responsables de leur opinion. Dans bon nombre de juridictions, des dispositions de la loi confient cette obligation de rendre compte aux autorités compétentes. A titre d’exemple, l’on peut citer la crise de l’épargne et du crédit aux États-Unis et la faillite des banques canadiennes des années 80, qui sont dues à cette lacune réglementaire.

    44. Dans le cadre des mesures à prendre contre une ou plusieurs structures illégales, il est important de collecter autant d’informations sur elle (s), combien sont-elles en activité, existe-il des liens entre ses structures, et quels sont-ils? Ces structures peuvent partager des caractéristiques opérationnelles communes; elles peuvent également partager des activités de placement. Certaines d’entre elles peuvent être affiliées, comme structures alternative de collecte d’épargne. Certaines structures peuvent émaner d’une structure mère pour générer des flux de trésorerie à partir de la structure originale. Le cadre doit classer les actions par ordre de priorité pour une meilleure gestion des ressources limitées.

    45. Les Autorités devront revoir leur scénario de crise pour y inclure

    des interventions de supervision tout en songeant aux plus grandes institutions financières. Les besoins en ressources humaines doivent être satisfaits pour les interventions, ou la saisie de quelque institution, et pour empêcher la destruction des archives ou la perte d’actifs recouvrables.

    46. Dans le cas d’entités ou de structures multiples, et d’entités ou structures apparentées, le règlement (ex: désignation de tuteurs, et nomination d’un administrateur judiciaire) doit être planifié avant toute intervention. Les règles pour l’engagement des auditeurs, administrateurs judiciaires et tuteurs appropriés doivent être éditées afin d’éviter de nouveaux cas d’inconduite ainsi que des conflits d’intérêts. Des procédés de résolution adéquats (tels que la résolution-à-moindre-coût, « creditor fairness », la préférence du créancier) doivent être retenus avant l’intervention. Ceci est nécessaire pour rendre les Autorités redevables de leurs actions. Sinon, les procédés doivent être documentés pour des actions futures et le maintien d’une mémoire institutionnelle.

    47. Les Autorités devraient envisager l’implication d’agences étrangères chargées de l’application des lois ou de la réglementation financière. Les autorités doivent décider en toute responsabilité, quelle quantité d’informations à partager et sous quelle forme. Pour une structure financière complexe, la coordination des interventions est cruciale pour maintenir les doléances des Autorités et celles des créanciers à l’intérieur de la juridiction légale concernée.

    48. L’expérience péruvienne avec le système Ponzi dans les années 1990 s’est soldée par un succès mais avec des pertes considérables pour les déposants; celle de l’Albanie vers la fin des années 90 a conduit à des troubles civils et à l’effondrement du système financier; l’expérience du Lesotho l’année dernière peut entraîner d’énormes pertes pour les déposants mais la réaction civile n’est pas encore connue. Au Pérou, les ressources publiques n’ont pas servi à la résolution de la crise et les troubles politiques ont été maîtrisés. En Albanie, les interventions ont accusé trop de retard et le Gouvernement est tombé. Au Lesotho, l’action fut retardée de plusieurs années et les passifs ont enregistré une croissance exponentielle. En outre, le système Ponzi était associé à une structure légitime pour laquelle le soutien public paraissait important. Dans tous les cas, les Autorités ont estimé qu’il faille agir rapidement, coordonner l’action du gouvernement, et n’utiliser ou ne faire aucune promesse d’utilisation des deniers publics, sauf en cas de nécessité politique. Toute fois, il s’agit là d’une décision souveraine et aucun conseil ne peut être prodigué à cet effet.

    49. Même en l’absence d’informations de première main sur les finances ou la clientèle les Pouvoirs publics devront estimer les passifs et l’ampleur de la crise.

    Ces renseignements doivent servir à l’élaboration d’un plan de répartition des créances recouvrées au cas où l’intervention déboucherait sur un règlement. Ce dernier devient plus efficace et responsable avec un plan de répartition des pertes accepté et mis en place avant l’intervention

    50. Puisque les ressources sont limitées, une évaluation de criminalistique des structures frauduleuses, malgré l’importance qu’elle revêt pour les poursuites subséquentes, peut avoir une priorité moindre que l’empêchement d’un risque systémique, de la contagion ou de la perte de confiance au niveau du public. Néanmoins, des actions appropriées en matière de poursuite et de réparation doivent être engagées pour limiter les préjudices moraux à l’avenir. Si l’auteur d’une fraude estime qu’il peut échapper au procès et à la réparation, c’est qu’il se fonde sur une situation qui lui est favorable.

    51. L’évaluation de l’ampleur systémique des structures financières frauduleuses est importante pour la préparation des actions nécessaires. Les différents canaux de transmission systémique vers les secteurs bancaire et financier et en direction du système de paiement doivent être établis et estimés.

    52. Les auteurs des fraudes financières sont très inventifs quant aux produits qu’ils offrent. Ils préfèrent créer des produits qui relèvent de la zone d’ombre du pouvoir de l’État. Ils préfèrent spécialement les conflits d’attributions et les produits qui ne tombent pas sous une compétence établie. Un auteur de fraude peut offrir un produit similaire à un dépôt ou à un produit de placement. Il peut prétendre s’engager activement dans l’assurance, les placements de fonds ou les crédits. Le fait de chercher à savoir si le produit est soumis ou non à un règlement et si oui, à quel régulateur, peut retarder l’intervention des Autorités. Celles-ci devront dresser un répertoire de ces différents produits pour faciliter les nouvelles découvertes, en sus de la mise en place d’une base légale pour les actions à mener.

    B. Recommandations spécifiques

    Les recommandations suivantes émanent des conclusions préliminaires

    • Les promoteurs de ces structures ont recours à des techniques classiques de fraude et s’implantent en exploitant les caractéristiques spécifiques de la société ainsi que les lacunes de la loi;

    • Le Bénin ne dispose pas d’une loi sur les titres qui identifie les crimes financiers. Les Autorités ne peuvent donc pas s’en prévaloir pour interdire les appels et la collecte de fonds par des structures non agréées;

    • Quelles qu’en soient les raisons, les Autorités n’ont pas vite réagi pour identifier le problème et prendre les mesures appropriées;

    • L’Autorité chargée de la délivrance d’agrément aux institutions de micro finance d’épargne ne dispose pas d’assez de moyens pour veiller au respect des textes portant interdiction de la collecte d’épargne par des entités non autorisées. D’autres régulateurs du secteur financier ont longtemps attendu avant d’agir suite aux plaintes formelles qui leur sont parvenues, alors qu’ils étaient bien au courant de telles activités.

    • Au Bénin, les structures d’épargne, à l’instar d’autres entreprises commerciales issues du secteur informel commencent leurs activités avant de soumettre une demande d’agrément;

    • Comme sous d’autres juridictions, des créanciers de ces structures illégales ne se sont pas fait recenser;

    • Ces structures ont commencé à petite échelle et certains opérateurs ont profité du long délai d’intervention de l’État. Pendant les périodes de fortes liquidités, ces opérateurs ont effectué des transferts de fonds ailleurs. Il est peu probable que l’on puisse recouvrer une bonne partie de ces fonds;

    • Les sanctions pénales ne sont pas suffisamment fortes pour dissuader à l’avenir les opérateurs potentiels de ces structures;

    • Consciernn1ent ou inconsciemment, le système bancaire ou de micro finance d’épargne et de crédit a, tout au début, profité de l’afflux massif des dépôts. Une bonne partie des premiers dépôts a pour origine le secteur informel ou «non bancaire» Sur la base d’une analyse préliminaire, l’on peut dire que les apports de dépôts n’étaient pas interrompus, les retraits étant probablement compensés par des dépôts effectués par les opérateurs. Les structures illégales n’étaient pas identifiées comme destination des crédits octroyés aux clients du secteur financier formel. Les défauts de paiement ont apparu lorsque ces structures se sont vues en position de non-liquidité. Par rapport aux estimations, il est possible qu’il y ait plus de créances douteuses aussi bien au niveau du système bancaire qu’à celui de micro finance d’épargne et de crédit;

    • Les Autorités prennent des mesures extraordinaires face à la crise, observent le diligentia bonis patris familiae accompagné des actions appropriées, mais le niveau des recouvrements semble limité;

    • Les Autorités peuvent être ou non à l’abri des procès intentés par les déposants. Elles ne s’auraient proposer aux déposants des remboursements disproportionnés sur la base de leurs revenus ou fortune;

    • Il n’avait pas été demandé aux structures de préparer des états financiers ou de tenir une comptabilité. L’on ne saurait dire avec précision si l’administration fiscale a effectué des investigations.

    53. Les Autorités béninoises doivent chercher à résorber la crise actuelle, modifier les règles et les pratiques en vigueur en matière d’application de la loi afin d’éviter ces problèmes à l’avenir.

    54. Les mesures conservatoires prises par l’État béninois peuvent aider à résoudre la crise. Les institutions doivent être traitées au cas par cas. Toutefois, le gouvernement devra recruter les services d’un auditeur indépendant pour superviser le processus. Si les agences publiques compétentes manquent de crédibilité auprès du public, des auditeurs privés pourraient être recrutés en dehors de la région. Ceux-ci ne devraient pas être engagés ou nommés comme liquidateurs mais plutôt pour assurer que le processus se déroule selon les règles comptables. En cette qualité et agissant au nom du Gouvernement, ils pourraient être payés sur le budget national plutôt que sur les actifs recouvrés.

    55. Pour l’équité en matière de remboursements des déposants, le Gouvernement devra se conformer aux lois en vigueur et veiller à une distribution proportionnée sur la base des catégories de déposants légalement établies.

    56. La loi doit exiger que les institutions de micro finance de collecte d’épargne et de crédits obtiennent l’agrément avant de commencer leurs activités. La CSSFD doit se déplacer vers toute entité soupçonnée de collecter des dépôts et lui intimer l’ordre de soumettre une demande d’agrément. Si la structure s’y oppose, la CSSFD devrait alors saisir le Ministère de l’Économie et des Finances. La CSSFD devrait régulièrement publier la liste des institutions agréées et celles qui refusent de soumettre une demande d’agrément. La CSSFD devra avoir le pouvoir d’exiger que la structure qui demande un agrément suspende ces activités de collecte de fonds jusqu’à l’obtention de l’agrément.

    57. Les capacités de la CSSFD doivent être renforcées. Il lui faut plus d’agents et de contrôleurs, et une formation extensive sur le processus d’agrément et l’étude des dossiers d’agrément. Les conditions pour l’obtention d’un agrément doivent être révisées en profondeur. Toutes les institutions agréées devront être invitées à soumettre des rapports financiers trimestriels pour une appréciation de la sûreté et de la solidité de leurs opérations, et S’exposer à un contrôle régulier. La CSSFD doit commencer à constituer, sur une base régulière, des dossiers financiers sur les structures agréées et préparer chaque année des rapports détaillés consolidés.

    58. Toutes les entités agréées devront être invitées à produire des états financiers certifiant leur voracité. Les comptables doivent être des experts comptables de l’Ordre.

    59. Le personnel de la CSSFD doit bénéficier d’indemnités ct être soumis à l’obligation de communiquer les renseignements financiers. Le personnel doit s’abstenir de s’impliquer dans une institution agréée où le risque de conflits d’intérêts est réel ou potentiel. Les rapports de communication d’informations financières par le personnel de la CSSFD ne doivent être mis qu’à la seule disposition de l’agent désigné qui n’aura pas à divulguer l’information en dehors du processus légal prévu.

    60. Le cadre légal qui régit les institutions financières doit inclure une clause interdisant la fraude commise par un cadre, quel que soit son niveau, d’une institution financière agréée ou d’une structure de collecte d’épargne non agréée. La peine qui s’applique à la fraude financière doit être portée à au moins dix ans d’emprisonnement, y compris des condamnations financières et la réparation pour les victimes.

    61. La BCEAO et le Ministère de l’Économie et des Finances doivent mettre en place un programme de sensibilisation sur la finance des particuliers pour mettre en exergue les problèmes inhérents aux placements dans les structures financières frauduleuses, présenter clairement les types de fraude potentiels ainsi que les activités financières permises ou interdites. Ce programme s’adressera aussi bien aux consommateurs qu’aux promoteurs potentiels de ces structures illégales et peu viables.

    62. Un Comité permanent comprenant des représentants de la CSSFD, de la

    BCEAO, du régulateur du secteur bancaire, du Contrôleur des services d’assurance, et autres responsables financiers, devra être mis sur pied pour l’échange d’informations sur la sûreté et la solidité des institutions financières agréées ou non. Le Comité devra rendre comptes au Gouvernement. Les régulateurs devront également mettre en place un Comité pour discuter des mesures à prendre face aux crises financières, avec un accent particulier sur la logistique et la mise en œuvre des interventions.

    Crise des bureaux de placement: impact sur la micro finance, enseignements et recommandations draft Pierre Daubert Consultant

    Septembre 2010

    Sommaire

    Annexes


    Annexe n01 : liste des personnes rencontrées 1. Les Systèmes Financiers Décentralisés (SFD) du Bénin comptent à ce jour 1 503 000 clients. Le taux de pénétration, exprimé en pourcentage des ménages, est d’environ 80% si l’on prend en compte le total des membres des SFD et à 40% pour ce qui est uniquement des emprunteurs actifs22.

    2. Les dépôts cumulés des SFD sont, au 30 juin 2010, de 76 milliards de FCFA, et l’encours de crédit brut est de 75 mds. A titre de comparaison, le volume de dépôts représente 5% des dépôts du secteur bancaire formel.

    3. Il existe 54 SFD agréés, dont 37 coopératives, 16 associations et une société anonyme23.

    Le leader du secteur est la Fececam, le grand réseau mutualiste né en 1977. Il compte 593 000 sociétaires. Son encours de dépôts, à 39 mds FCF A, représente 52% des dépôts totaux du secteur. Les 5 principaux SFD concentrent 70% de l’encours total de crédit.

    4. Malgré un dynamisme indiscutable, le secteur apparaît relativement fragile. Les équilibres financiers sont précaires. Les deux leaders, Fececam et Padme, en terminent avec une phase d’administration provisoire. Au terme d’un effort de redressement pourtant réussi, les fonds propres de la Fececam sont actuellement voisins de zéro (- 3 mds FCFA il ya 3 ans). Il est peu probable que la Fececam sera à même de respecter, sans recapitalisation externe, le ratio de solvabilité de 15% prévu dans le cadre de la nouvelle loi. D’une façon plus générale, les SFD béninois présentent des lacunes classiques en Afrique de l’ouest: une gouvernance approximative, une rentabilité insuffisante (notamment à cause de taux d’intérêts trop bas), une maîtrise opérationnelle insuffisante (taux d’impayés élevés notamment).

    5.Depuis 4 à 5 ans, le gouvernement a engagé une politique volontariste de promotion du secteur. Un ministère de la micro finance a été créé et l’Etat s’est efforcé de mobiliser des moyens, internes et externes, afin d’améliorer notamment la portée de la micro finance auprès des plus pauvres et du monde rural. Un Fonds National de Micro finance (FNM) a été constitué à cet effet (cf. section 15).

    6. Les SFD se sont dotées d’une association professionnelle, le consortium Alafia, qui compte à ce jour 36 membres. Son rôle fondamental est d’assurer la défense de ses membres mais il joue également un rôle important en matière d’appui à la professionnalisation, en organisant notamment des formations. Dans le cadre de la future loi sur la micro finance, toutes les SFD seront tenues d’adhérer à l’association professionnelle (article N° 23).

    7. Le consortium Alafia et l’Association Professionnelle des Banques (APB) ont des liens irréguliers et informels. La communication s’est renforcée ces derniers temps. Les SFD sont clients des banques (dépôt et refinancement).

    8. Il existe de nombreuses tontines dans le pays. Leur nombre est difficile à estimer, de même que les volumes financiers qu’elles brassent. Aucun texte n’encadre leurs activités. Leur caractère informel est toléré.

    9. Outre les tontines traditionnelles, il existe des entités aux contours mal définies, mi officines commerciales mi ONG, s’affichant volontiers via des pancartes24 arborant des mots clefs tels «tontine », « tontine no limit », « tontines – prêts », et autres formules ambigües.

    Tableau N°1 : principaux indicateurs des IMF au Bénin

    10. L’exercice de la micro finance au Bénin est régi par la loi du 8 août 1997, dite loi Parmec. . Elle a pour particularité de ne s’appliquer qu’aux institutions mutualistes. Les SFD de forme associative ou société de capitaux doivent passer une convention particulière avec le ministère de l’Economie et des Finances (MEF). La loi Parmec place les SFD sous la tutelle du MEF. Celui-ci assure leur surveillance en lien avec la BCEAO. Les contrôles sur place sont parfois effectués de façon conjointe25.

    Il. Une nouvelle loi est en préparation et sera soumise au parlement dans les mois à venir (elle a déjà été votée dans plusieurs pays de l’UEMOA). Son champ d’application couvrira cette fois toutes les formes juridiques. Suivant les termes de l’article 4, les SFD pourront réaliser des opérations de collecte des dépôts, des opérations de prêts et des opérations d’engagement par signature. L’article 7 fait obligation aux SFD d’obtenir un agrément afin d’exercer. L’article 44 attribue à la Banque centrale et à la Commission bancaire le soin d’assurer la surveillance des SFD de grande taille, les autres demeurant supervisées par le MEF. Le seuil sera fixé par décret.

    12. Le MEF s’est doté d’une cellule de surveillance des SFD (CSSFD).

    13. L’arrêté N°1379 du 22/12/2009 établit ainsi ses attributions (article 1 er) :

    « La cellule de surveillance des Systèmes financiers Décentralisés (CSSFD) fait partie des Structures directement rattachées au Ministre de l’Economie et des Finances. Elle assure la prévention, la supervision et la protection du secteur de la micro finance.

    A ce titre, elle est chargée:

    -d’instruire les dossiers soumis à l’autorisation d’exercice d’activités de micro finance ;

    -de contrôler sur pièces et sur place les Structures Financières Décentralisées notamment les Institutions de micro finance (IMF) ;

    -d’organiser la collecte, le traitement et la diffusion des informations statistiques concernant les IMF;

    -de réaliser, en collaboration avec le Ministère en charge dudit secteur, des études sur la micro finance ;

    -de veiller à la protection des dépôts auprès des IMF ».

    La cellule est structurée en quatre services et compte au total 25 cadres. Le service du contrôle (5 cadres) assure le contrôle sur pièces et sur place. En 2009, la cellule a réalisé 75 contrôles sur place (dont une grande majorité a concerné des caisses de base). Elle bénéficie d’un financement du Millenium Challenge Account (MCA), qui court jusqu’en 2011 et prend en charge environ la moitié du coût des contrôles.

    13. La BCEAO-Bénin a une section micro finance. Un cadre y est affecté à temps plein. Il suit l’activité de micro finance, élabore une note trimestrielle à l’attention de la direction des Etablissements de crédit et de micro finance du siège de la BCEAO et participe aux missions conjointes d’inspection des SFD avec la CSFD.

    14. Le ministère de la Micro finance, de la Jeunesse et de la Condition féminine est chargé de la promotion du secteur. Il n’intervient pas en surveillance. Son programme phare est le MCPP, déjà évoqué. Ce programme fait débat, notamment parce qu’il est basé sur une politique de taux d’intérêt bonifiés (taux de 5%, contre environ 20% pratiqués par les SFD), ce qui est facteur de confusion sur le terrain. Il tend par ailleurs à éloigner les bailleurs de fonds du secteur, ceux-ci étant réfractaires à l’intervention opérationnelle de l’Etat dans la micro finance.

    15. Le Fonds National de micro finance : Son objectif premier est défini comme tel: «mettre en place un cadre approprié de gestion des programmes du gouvernement dédiés aux couches les plus défavorisées »26. Dans la pratique, il met en œuvre, via des conventions avec 9 SFD 7, un programme de microcrédit pour les plus pauvres (MCCP) et il joue un rôle de refinanceur pour les SFD.

    c)LE ROLE DES ACTEURS DE LA MICROFINANCE DANS LA CRISE DES BUREAUX DE PLACEMENT

    16.Les organisations impliquées dans la fraude se sont bien gardées de demander l’agrément en tant que banques, établissement financier ou SFD. Elles ont pu arguer du fait qu’elles n’entraient dans aucune des catégories d’activité règlementée pour demeurer informelles. Elles ont notamment fait valoir qu’elles proposaient des placements et non une collecte d’épargne. Paradoxalement, c’est en se plaçant hors la loi qu’elles ont pu se développer à l’abri de toute supervision. Le montant des sommes collectées serait de 150 milliards FCF A.

    17.Les SFD ont généralement appris l’existence des bureaux de placement dans le courant de l’année 2009. Il semble que les SFD n’ont commencé à percevoir véritablement la menace qu’à partir du second semestre 2009. Ils ont alors mobilisé leurs agents de sorte qu’ils sensibilisent leurs clients et renforcent leur vigilance lors des octrois de crédit.

    18. L’association professionnelle des SFD a joué son rôle. Le consortium Alafia a saisi diverses occasions pour aborder le problème oralement avec plusieurs institutions: avec la BCEAO dès janvier 2009; lors d’une allocution d’ouverture d’une session de formation, en avril 2009, à laquelle participait un responsable du MEF; ou encore en décembre•2009 lors de la conférence annuelle de la micro finance. Par ailleurs, le coordonateur de la cellule micro finance a été interpellé oralement à plusieurs reprises. Au début de l’année 2010, le danger est devenu suffisamment pressant pour que le consortium Alafia entreprenne une démarche formelle et publique. Il a publié un communiqué le 18 février 2010. Diffusé par voie de presse (y compris à la radio en langue nationale), celui-ci souligne que les bureaux de placement «qui exercent dans l’illégalité ne sont pas contrôlés par l’autorité» ; il invite ces acteurs à se conformer sans délai à la réglementation et appelle la population à ne pas céder à la tentation.

    19. La BCEAO s’est tournée vers le ministre de l’Economie et des Finances. Le directeur national a saisi le ministre des finances en août 2009. Il a également reçu des promoteurs de bureaux de placement et les a sommés, sans succès, de se légaliser.

    20. Le ministre de l’Economie et des Finances a saisi le ministre de l’Intérieur, lequel a saisi le procureur. A noter que le MEF a publié en avril 2010 un communiqué destiné à mettre en garde la population.

    21.Le ministère de la Micro finance a engagé une concertation avec les ministres de l’Economie et des Finances et le ministre de la Justice.

    22.Les SFD tiennent généralement la cellule micro finance pour responsable du développement des bureaux de placement. Les SFD voient la cellule comme un organe «’;’<:~surveillance et de contrôle au sens terminologique de ces deux termes. Partant de là, ils estiment qu’elle n’a pas joué son rôle.

    d) Impact de la crise

    23.La qualité du portefeuille des SFD est peu impactée pour le moment, mais l’étendue des pertes ne sera pas connue avant 8 à 10 mois. Une partie des victimes des fraudeurs a emprunté aux SFD pour ensuite déposer tout ou partie de la somme dans les bureaux de placement. Il peut s’ensuivre une incapacité partielle ou totale à rembourser. Combien de clients sont concernés et à quelle hauteur? Les SFD rencontrées n’ont proposé aucune estimation. Une estimation empirique conduit à formuler l’hypothèse qu’environ 5% des clients pourraient être concernés:

    Les déposants des bureaux de placement seraient au nombre de 150000. Si nous appliquons à ce chiffre le taux de pénétration de la micro finance en matière de crédit (40%), c’est environ 60 000 ménages qui seraient potentiellement concernés, soit 8% des emprunteurs en cours des SFD. Rien ne permet d’établir que la totalité de ces emprunteurs aient tout placé ni tout perdu au point d’être tout à fait insolvables. Si nous faisons l’hypothèse que les deux tiers d’entre eux seront dans l’incapacité totale de rembourser, le risque s’établit à 5% des clients actifs des SFD.

    D’après les statistiques disponibles au 30 juin 2010, le taux d’impayés n’a pas augmenté de façon significative. Mais la durée des prêts étant le plus souvent de 12 mois, l’impact réel ne sera connu qu’après tous les remboursements des crédits contractés avant l’éclatement de la crise, c’est-à-dire dans 8 à 10 mois.

    Tableau N°1 : taux d’impayés à 90 jours

    24. La collecte de l’épargne est affectée dans des proportions limitées. Les chiffres au 30 juin 2010 ne font pas état d’une baisse significative de l’encours de dépôts. Ils dénotent tout au plus un ralentissement de la croissance régulière des dépôts. A ce jour, l’impact de la crise prend donc sur ce point la forme d’un manque à gagner. Celui-ci n’est pas sans conséquences puisque les SFD peuvent se trouver privées d’une partie des ressources sur lesquelles elles comptaient pour leur campagne de prêts, d’où une possible diminution des octrois ou bien un recours plus important au refinancement, et donc un léger renchérissement du coût de la ressource. Mais ces impacts devraient rester marginaux.

    Graphique N°l: progression mensuelle comparée de l’épargne à la Fececam pour 2007,2008, 2009 et le premier semestre 2010 (en FCFA)

    25. La croissance de la clientèle des SFD sera un peu ralentie à court terme. D’une part les SFD devraient perdre une petite partie de leurs clients par suite des impayés; d’autre part, les SFD relèvent une certaine morosité dans l’économie informelle et anticipent un tassement de la demande de crédit dans les mois à venir. Le lien entre cette éventuelle morosité et la crise des bureaux de placement n’est pas établi, mais d’une manière ou d’une autre, la crise des bureaux de placement aura un impact économique, en particulier dans le secteur informel.

    26. La crise tendra à diminuer les résultats financiers des SFD. La Fececam anticipe pour sa part un manque à gagner de 300 m FCFA sur un résultat annuel 2010 attendu à 600 m FCFA.

    27. L’image des SFD pourrait ressortir paradoxalement renforcée. Certaines structures illégales ont joués sur leurs appartenances supposées aux secteurs de la micro-finance. Dans un premier temps, la dénonciation des bureaux de placement par le SFD A pu apparaître pour la population comme guidée par le seul souci de préserver leur marché d’une concurrence à laquelle ils étaient incapables de faire face. L’attractivité des taux servis rendait alors leur message inaudible. Mais la crise étant passée, et avec le recul, les clients devraient savoir gré aux SFD d’avoir tenu un langage consistant et freiné les tentations. Cela devrait raffermir leur image.

    28. L’image des ONG ressort écornée de la crise. Le fait que ICC services et ses avatars aient surgi du secteur associatif alimente une certaine méfiance à l’égard de la sphère ONG.

    e) Enseignements

    29. Les textes légaux comportent des faiblesses. Les fraudeurs ont pu faire valoir que leur activité n’entrait dans aucune des catégories fom1elles régies par les différentes lois. n est vrai que la loi bancaire permet d’incriminer la collecte de dépôts en toutes circonstances, et qu’elle interdit (article 67) à toute personne autre qu’une banque ou une autre institution agrée de collecter des fonds du public, quel qu’en soit le terme. Mais pour ce qui est de la micro finance, la loi Parmec n’établit pas clairement et de façon indiscutable l’interdiction faite à tout intervenant, de quelque nature qu’il soit, de réaliser sans agrément des opérations de collecte auprès du public. La nouvelle loi n’est pas complètement explicite sur ce point. L’article 2 établit que la loi s’applique aux SFD, l’article 4 définit les opérations réalisables par les SFD et l’article 7 établit que « les systèmes financiers décentralisés doivent, préalablement à l’exercice de leur activité, être agréés par le ministre ».

    30. L’autorité de supervision n’a pas les moyens légaux de procéder directement à la fermeture des structures exerçant sans agrément. La fermeture des structures illégales n’appartient pas à une autorité de supervision, elle requiert une décision judiciaire. Cette disposition de droit présente deux limites: d’une part il n’est pas garanti que le procureur donnera suite à la plainte; d’autre part, comme l’a montré l’affaire qui nous occupe, l’institution judiciaire n’est pas elle-même à l’abri de collusions avec les intervenants illégaux.

    31. Face aux risques que peuvent présenter pour la société des opérations financières informelles et illégales, les autorités doivent mettre en place une veille et une détection précoce. Pour ce qui est de la CSSFD, l’arrêté N° 1379 du MEF portant attribution de la cellule micro finance porte une part d’ambigüité assez symbolique puisqu’il fait état d’un rôle de « prévention, de supervision et de protection du secteur», alors que les attributions qui suivent ne prévoient aucune activité de prévention, au sens de veille et de détection des activités de micro finance informelle. La crise révèle la nécessité d’une intervention en amont, de façon à stopper à temps les acteurs informels dont l’activité sortirait des bornes de to

      La date/heure actuelle est Jeu 9 Mai 2024 - 20:50