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    Me Adrien Houngbédji: « Ce dont le Bénin a besoin aujourd’hui, c’est des hommes politiques, des ministres qui disent : Non ça suffit ! »

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    Message par Admin Jeu 20 Jan 2011 - 13:05


    Me Adrien Houngbédji: « Ce dont le Bénin a besoin aujourd’hui, c’est des hommes politiques, des ministres qui disent : Non ça suffit ! »



    Ça n’arrive pas souvent. Le candidat unique de l’Union fait la Nation, Me Adrien Houngbédji s’est prêté aux questions d’un confrère. Dans l’entretien exclusif ci-dessous, il explique les raisons de ses différentes démissions que beaucoup de Béninois lui reprochent. Lisez plutôt.

    M. le Président, certains de vos compatriotes s’intéressent à des traits de caractère de votre personnalité liés à plusieurs évènements ayant marqué certainement votre vie et votre parcours à savoir votre démission juste après votre élection au poste de maire de Porto-Novo et puis votre démission en 1998 du poste de premier ministre. Qu’est-ce que vous en dites ?

    Commençons par la première partie de votre question à savoir la démission de la mairie de Porto-Novo. Ce que j’observe par rapport à ce sujet, c’est que ceux qui en parlent, ce sont ou mes adversaires politiques, ou bien des personnes qui ne connaissent par la vie politique dans la cité de Porto-Novo et cela a pour conséquence qu’on me fait un reproche. Mais en réalité quand on regarde, ceux qui savent vous diront que j’ai fait ce qu’il fallait faire. Je voudrais rappeler que lorsque nous avons créé le Prd, nous étions deux leaders, le Président Moucharafou Gbadamassi, paix à son âme et moi-même. Pour ceux qui connaissaient le président Gbadamassi, c’était une personnalité charismatique, très populaire à Porto-Novo et dans l’Ouémé. Nous voir tous les deux en compétition, devait créer des problèmes. Ces problèmes, nous les avons vite réglés. Nous avons dit que l’un de nous devait briguer la mairie de Porto-Novo et l’autre la magistrature suprême. C’était un deal que nous avons fait entre nous et nous nous sommes mis à travailler à partir de ce deal là. Donc Gbadamassi devait devenir maire de la ville de Porto-Novo, c’était son ambition, et moi je devais briguer la magistrature suprême. Mais à un moment donné, alors que nous nous préparions pour les élections municipales après le vote de la loi sur la décentralisation, est survenu, le décès de Gbadamassi, encore une fois paix à son âme. Ce décès a, par lui-même, semé le désarroi dans nos rangs et beaucoup avaient même prédit que le Prd allait se disloquer parce que celui qui est considéré comme la locomotive du parti a disparu. Nous en étions là, à panser nos plaies, lorsque le problème des élections municipales est arrivé. Celui qui devait briguer le poste c’est Gbadamassi. Il décède et vous me voyez un an après, m’asseoir dans le fauteuil et dire que je veux prendre ce poste ? Première interrogation.

    Je ne pouvais psychologiquement et décemment pas me présenter et dire que je veux être maire à la place de Gbadamassi.

    La deuxième raison que j’aimerais que vous preniez en compte, c’est ce qui s’est passé à l’occasion de cette élection ; du jamais vu. Nous n’avons jamais vu, de mémoire d’homme politique, une campagne municipale de l’ampleur de celle qui a été déclenchée par mon ami Gaston Zossou, qui est d’ailleurs avec nous, aujourd’hui, dans l’Union fait la Nation et qui travaille pour notre succès. Gaston Zossou était candidat à la mairie de Porto-Novo, ministre à l’époque, évidemment fortement soutenu par le Président de la République de l’époque, sous la bannière d’une association appelée Anfani. Déploiement de moyens, de battages médiatiques. Partout où vous passez à Porto-Novo, c’était Anfani ; des tee-shirts, des affiches, des tam-tams, partout. À un moment donné, les militants ont pris peur. Le parti s’est réuni et s’est dit, avec ce qui se déploie comme moyens, on dirait des élections présidentielles et même plus. La question était de savoir si nous pouvions espérer gagner, Gbadamassi n’étant plus présent. Est-ce que nous n’allons pas perdre cette mairie pour laquelle nous nous battons depuis un certain temps ? Alors, le parti s’est réuni, y compris ses structures à Porto-Novo. Et c’est à ce moment-là, qu’il m’a été demandé, de me porter candidat aux élections municipales pour sauver la barque. Donc, je n’avais pas planifié d’être candidat aux élections municipales, je n’avais pas l’ambition d’être maire de la ville de Porto-Novo. Je me suis retrouvé, un mois avant les élections, dans l’obligation d’y aller, pour sauver la place forte du parti. Voilà comment j’ai été candidat. Et il a été convenu au niveau du bureau politique, qu’une fois que j’y aurais été, une fois que nous aurons gagné, eh bien, je me retirerais, pour laisser la place à quelqu’un d’autre. Est-ce qu’on peut décemment faire un reproche pour cela ?

    Et si c’était à reprendre, vu les circonstances actuelles, allez-vous procéder de la même façon ?

    Oui ! C’est une pratique courante en politique. Vous n’avez jamais vu des hommes politiques se positionner à un poste, pour favoriser l’émergence du parti ? Quand des hommes comme François Mitterrand, Jacques Chirac, ont brigué des postes, ce n’était pas forcément pour leur ambition personnelle, mais c’était pour la promotion du parti. Je me suis porté candidat, parce que le parti me l’a demandé, parce qu’il fallait que je sois candidat pour que les Porto-Noviens adhèrent à l’équipe municipale. Et le plus loyalement du monde, lorsqu’on a fini, je me suis retiré. J’ajoute qu’à l’époque, j’étais président de l’Assemblée Nationale.

    Et je dois ajouter, parce que j’avais commencé à dire que c’était mes adversaires politiques qui en parlent ou alors ceux qui ne connaissent pas Porto-Novo. Normalement, après un comportement comme celui-là, si cela avait été un geste isolé, solitaire, c’est d’abord le parti qui m’en aurait fait le reproche ; c’est d’abord les militants qui m’en auraient fait le reproche et c’est ensuite les électeurs de Porto-Novo qui m’auraient sanctionné. Or, regardez depuis ces élections jusqu’à ce jour, les scores que j’ai obtenus à Porto-Novo ont été crescendo. Donc, il ne pouvait y avoir meilleure approbation de ce qui a été fait.

    Le seul problème, M. le président, c’est qu’on rapporte cet évènement à un autre, celui de votre démission du poste de premier ministre en 1998 …

    Absolument ! Mais là aussi vous savez, chacun a sa règle d’éthique. Il s’agit de savoir si on s’assoit dans un fauteuil pour le plaisir de s’asseoir. Non ! J’ai accepté d’être premier ministre du général Kérékou, sur la base d’un deal, parce qu’il y avait certaines choses à faire dont la bonne gouvernance, la démocratie.

    Sur le plan de la démocratie, du temps où j’ai été premier ministre, je crois qu’il n’y a rien à nous reprocher. Nous avons fait beaucoup de choses, en tout cas dans cette période là et il y a rien qui ait été anti-démocratique, contraire aux libertés, comme on le voit aujourd’hui.

    Mais il y a beaucoup de Béninois qui vous reprochent que ce poste n’était pas prévu dans la Constitution

    Cher ami, en droit comme en fait ; d’abord en droit, je n’ai pas été nommé sans que l’avis de la Cour constitutionnelle n’ait été donné. La cour constitutionnelle a pris une décision, à la demande du président Kérékou. Cette décision m’a été notifiée, lui a été notifiée, avant que je ne sois nommé. Deuxièmement, dans la pratique, tous les Chefs d’Etat que nous avons eus jusqu’ici ont toujours eu un ou deux premiers ministres, l’actuel en a deux. Et quand je lis les programmes de ceux qui s’annoncent pour les prochaines consultations électorales, je vois qu’il est déjà demandé un poste de premier ministre avec des pouvoirs renforcés. Cela veut dire donc que c’est une nécessité.

    Mais cela ne fait pas partie des projets de l’Union fait la Nation, la coalition qui vous porte pour les élections prochaines ?

    C’est un sujet dont nous n’avons pas discuté. Mais je dis que le besoin se fait sentir. Ne doit-on pas tenir compte de la situation particulière de notre pays ? Je n’en sais rien. Mais toujours est-il qu’au moment où la chose a été faite, c’était sur la base d’un deal qui a été avalisé par la cour constitutionnelle de notre pays, qui a dit oui. On peut nommer un premier ministre dès lors que le Chef de l’Etat ne se débarrasse pas de certaines prérogatives que la constitution ne l’autorise pas à abandonner.

    Pour parler de ma démission en 1998, je vous ai dit tout à l’heure que nous étions allé au gouvernement parce que nous pensions que c’était nécessaire pour la démocratie et les libertés. Et je crois que de ce point de vue, cela a été un succès. Le Président Kérékou a été exemplaire aussi bien pendant son premier mandat que pendant son deuxième mandat.

    Et pourtant, vous étiez parti de son gouvernement…

    Alors la deuxième raison, c’est la bonne gouvernance. Nous sommes rentré dans ce gouvernement, parce que nous étions attachés à la bonne gouvernance. Mais nous nous sommes rendu compte en cours de route, que la bonne gouvernance n’existait plus. Et ce n’est pas une décision que Adrien Houngbédji a prise tout seul. Nous sommes allés à Bohicon, à un congrès du parti, où nous avons fait le point de notre présence au gouvernement. Et nous avons voté une résolution dans laquelle nous disions qu’il y a certains dossiers comme la Sonapra, la Sonacop et la crise énergétique, dont la gestion ne nous convenait pas. Et le congrès nous a demandé de quitter le gouvernement. Et vous avez constaté que c’est tous les quatre ministres, unanimement qui ont signé. Tous les quatre, nous avons quitté le gouvernement. Il y avait, Tidjani Serpos, Kamarou Fassassi, Timothée Zannou et moi-même. Nous avons démissionné ensemble du gouvernement. Donc, cela ne s’est pas passé sur un coup de tête, mais pour rester conforme aux valeurs éthiques que nous défendons en entrant dans ce gouvernement.

    Par conséquent, je n’ai aucun regret de ce point de vue là. Ce dont le Bénin a besoin aujourd’hui, c’est des hommes politiques, des ministres qui disent : Non ça suffit ! Cen-sad, Machines agricoles, Icc, etc etc et personne ne démissionne. On reste, on est content de rester, parce qu’on est ministre. Par conséquent, je vous dis que ce reproche là, je ne l’accepte pas. Nous avons fait ce que nous devrions faire, parce que nous étions attachés à la bonne gouvernance. Et nous avons constaté que même si nous restions un ou deux ans de plus, cela n’aurait rien changé. Alors autant partir.

    Je ne sais pas pourquoi on s’accroche à cette affaire de démission. Ma vie d’homme public n’a pas commencé en 1998. Elle a démarré un peu plus tôt en 1968 quand je suis rentré de la France. Dès que je suis arrivé de Paris, j’ai été nommé procureur de la République à Cotonou, commissaire du gouvernement auprès du tribunal militaire d’exception. Ce tribunal militaire d’exception a été mis en place par le gouvernement militaire des jeunes cadres avec pour objectif de sévir contre la corruption et la prévarication. Une semaine à peine après ma nomination, le garde des sceaux qui m’a nommé a été lui-même attrait devant ce tribunal. J’ai pris le dossier, il n’y avait rien dedans. Il n’y avait que la lettre par laquelle le Chef du gouvernement, paix à son âme, me demandait de poursuivre son collègue, l’intendant militaire Chasme. J’ai pris le dossier, je dis mais, mon colonel, il n’y a rien dedans. J’ai eu pour toute réponse, `’vous devez requérir 20 ans d’emprisonnement contre lui’’. 20 ans d’emprisonnement pour un dossier dans lequel il n’y avait rien, même pas un procès verbal. J’ai pris le dossier, j’ai mené l’enquête et nous sommes allés à l’audience publique. Il y avait 12 avocats dont certains venus du Togo, de la France, d’Abidjan et autres. Et moi, à 27 ans devant tout ce monde là, j’ai requis, selon ma conscience. J’ai dit il n’y a rien dans le dossier, même pas un procès verbal. Par conséquent, j’ai demandé d’acquitter Chasme. Mais je n’ai pas été suivi. Ils se sont retirés, parce que le tribunal était composé de 11 militaires et un civil président. Ils se sont retirés, 20 minutes après, ils sont revenus et ont prononcé 20 ans de prison. Vous croyez que je vais rester ? Non ! Notre pays a besoin de magistrats, d’hommes politiques qui ont cette conscience-là de leur devoir. J’ai donné ma démission parce que je ne voulais pas, en restant dans ce tribunal, cautionner un acte pratiquement criminel de faire enfermer pendant 20 ans, quelqu’un contre lequel il n’y a aucune preuve.

    Et tenez-vous bien mon cher ami, parfois c’est bon de se comporter de cette manière. En effet, le désarroi a été tel que deux semaines après ma démission, le gouvernement a été obligé de dissoudre le tribunal et de libérer tous ceux qui avaient été arrêtés. On n’occupe pas un poste pour le plaisir de le faire. Et je voudrais vous rappeler que je n’avais que 26 ou 27 ans. Je venais d’arriver, on m’a donné une belle villa, une belle voiture avec des gardes du corps, j’étais commissaire du gouvernement. Vous ne voyez pas qu’il y a de quoi faire monter la tête à un jeune ? Je suis parti de là, je suis devenu avocat et j’ai travaillé pour gagner ma vie et ma conscience était libre, tranquille. Voilà ce que j’ai fait et je ne suis pas prêt de me reprocher ces choses là. Et si vous voulez que je continue l’histoire, je vais vous la continuer parce que c’est bon que les gens sachent ces choses-là.

    Donc j’ai quitté, et je suis devenu avocat. En ce moment-là, les gouvernements se renversaient. Quelque temps après, le Chef de gouvernement qui m’avait demandé de faire condamner Chasme pour 20 ans a été lui-même arrêté pour atteinte à la sûreté de l’Etat. J’étais dans mon cabinet, quand sa famille est arrivée me voir pour me demander de le défendre. J’ai accepté de le défendre. Mais le clou c’est que, à peine ils sont sortis de mon cabinet, quelqu’un d’autre arrive. Savez-vous qui c’était, l’intendant militaire Chasme. Le gouvernement venait de le nommer, président du tribunal qui devait condamner le Chef du gouvernement. On l’a nommé pour juger celui qui l’avait mis en prison. Et il est venu me demander conseil. Il me dit : « Me, c’est grâce à vous que j’ai retrouvé ma liberté et mes grades. Voilà mon adversaire, on me le sert sur un plateau. Qu’est-ce que je fais ? »

    Je lui dis : « excusez-moi mon intendant, à vue d’œil, on veut se servir de vous. Parce qu’on sait que vous avez de la haine pour Kouandété (puisque c’est de lui qu’il s’agit). On veut se servir de vous pour lui régler un compte. N’acceptez pas. Malheureusement, je n’ai pas été écouté, il a accepté le poste. Et bien évidemment, Kouandété a été condamné à la peine de travaux forcés à perpétuité. Il n’a été libéré qu’avec l’avènement du Gouvernement Militaire Révolutionnaire (GMR) de Mathieu Kérékou en 1972. C’est pour vous dire que dans la vie d’un homme public, il y a des moments où il faut savoir assumer ses responsabilités et dire non quand il faut dire non. Par conséquent, 20 ans, 30 ans après ces faits là, je ne suis pas prêt de les regretter.

    Si je comprends bien M. le Président, pour vous, c’est une question de moralité que vous acceptez de faire porter à la connaissance de vos compatriotes aujourd’hui…

    Oui ! Et cela me paraît nécessaire. A partir de l’exemple que je viens de vous citer, posez la question aux jeunes. Voilà ce qu’il a fait, est-ce qu’il aurait dû faire ça ? Est-ce qu’il aurait dû se taire et qu’on enferme pendant 20 ans un homme qui n’a rien fait pour régler des comptes ? C’est ça ma vie aussi.

    Merci M. le président d’avoir accepté de lever un coin de voile sur ces quelques traits de votre personnalité qui n’étaient pas connus du grand public. On espère que vous êtes bien compris auprès de vos compatriotes. Encore une fois, je vous remercie.

    Merci.

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