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Cotonou et le Manifeste de l’audace
« Le Manifeste de Cotonou.» C’est l’appellation du document qui doit sanctionner le forum international dont les travaux prennent fin dans quelques heures. Organisée dans le cadre de la célébration des cinquantenaires des indépendances africaines, et plus particulièrement des anciennes colonies de la France, cette rencontre est présentée comme le point d’orgue de la série de manifestations dont les principaux Etats concernés sont ou seront le cadre tout au long de cette année 2010. Le défilé des détachements des armées des anciennes colonies françaises de l’Afrique occidentale et équatoriale sur les Champs Elysées à l’occasion du 14 Juillet 2010- 221ème anniversaire de la Révolution française – aura été le point de départ de ces célébrations. Cette participation a été diversement appréciée et interprétée aussi bien dans l’ancienne métropole que dans les Etats commémorant les cinquante années de leur accession à la souveraineté nationale et internationale. A cette occasion, la République du Bénin s’est singularisée en dépêchant sur la plus célèbre avenue de France un détachement exclusivement féminin de son armée nationale. La force du symbole et du rappel historique n’a pas échappé aux historiens et éditorialistes qui ont parlé des Amazones du Bénin descendant les Champs Elysées , en hommage à ces femmes soldats de l’armée du roi Béhanzin qui s’est dressé contre l’ invasion de son royaume par les troupes françaises . Depuis mardi dernier, le Bénin veut donc apporter une autre touche particulière à cette commémoration qui intervient dans des contextes particuliers à chaque pays. La réflexion est l’activité dominante des assises de Cotonou, et ce n’est pas fortuit si Albert Tévoédjré, l’un des maîtres d’oeuvres de cette rencontre, n’hésite pas à utiliser le terme « Manifeste » pour le document final. Quand on considère l’histoire particulière et collective des Etats représentés à Cotonou, on se rend compte que ce ne sont pas des colloques, conférences et autres symposiums qui ont manqué dans leur marche vers le développement, la recherche des voies et moyens pour assurer le progrès et le bien-être des populations. Et 50 ans après l’euphorie de l’indépendance dans pratiquement tous les pays, la désillusion a souvent fait place à des remises en cause brutales dont l’armée a été l’acteur principal pendant des décennies. Mais au cours de la dernière décennie du 20ème siècle, le processus de démocratisation des Etats s’est imposé à tous les régimes dont les dirigeants ne pouvaient plus comprimer les aspirations des populations à une participation libre et responsable aux prises de décisions concernant leur vie de citoyens. Avec sa Conférence nationale de Février 1990, la République du Bénin se pose en pionnier de la démocratisation de la vie politique en Afrique, et plus particulièrement dans les Etats qui fêtent le cinquantenaire de leur indépendance en cette année 2010.
En effet, 20 ans après avoir opté pour un régime de démocratie pluraliste, le Bénin donne toujours l’exemple du respect des échéances électorales et de l’acceptation des verdicts des urnes, même si des contestations n’ont pas été absentes au cours des différentes élections. Mais face aux divergences, aux oppositions de visions entre les acteurs de la vie politique, les institutions prévues par la Constitution pour assurer la pérennité de la démocratie se sont acquittées de leur mission. Dans une Afrique où persistent des poches de turbulences et de résistances aux changements démocratiques, le forum de Cotonou est une étape marquante pour faire le point, et quand l’un de ses animateurs évoque le terme Manifeste à propos des résultats attendus il faut y voir une volonté de s’inscrire dans le sens de l’Histoire . Le Manifeste est la Déclaration écrite par laquelle un parti, un groupe de personnes, un homme politique définit ses vues, son programme, justifie son action passée. Ainsi le mot a une forte charge symbolique et renvoie à des périodes qui ont marqué de façon durable, voire de manière indélébile, la vie de millions de personnes sur tous les continents. Le Manifeste du Surréalisme dans le monde des Arts et le Manifeste du Parti communiste dans le combat des luttes idéologiques et politiques, voire philosophiques, continuent encore de nos jours à être des documents de références pour des millions d’hommes sur tous les continents. Même si des siècles après on assiste à des passes d’armes entre partisans et adversaires des visions défendues par ses textes historiques. L’ambition des femmes et des hommes présents à Cotonou depuis mardi est donc de prendre à bras le corps les questions de développement d’un continent qui ne manque pas d’atouts et de potentialités. Mais où malheureusement l’audace manque pour faire face aux défis qui se dressent sur la voie du progrès. Il faut espérer que le « Manifeste de Cotonou » sera à la hauteur des attentes.
