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    Abdoulaye Bio Tchané à propos de la laïcité au Bénin :« Toute collusion entre religion et Etat peut nuire à la Nation »

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    Abdoulaye Bio Tchané à propos de la laïcité au Bénin :« Toute collusion entre religion et Etat peut nuire à la Nation » Empty Abdoulaye Bio Tchané à propos de la laïcité au Bénin :« Toute collusion entre religion et Etat peut nuire à la Nation »

    Message par Admin Mar 28 Déc 2010 - 10:19


    Abdoulaye Bio Tchané à propos de la laïcité au Bénin :« Toute collusion entre religion et Etat peut nuire à la Nation »


    Abdoulaye Bio Tchané à propos de la laïcité au Bénin :« Toute collusion entre religion et Etat peut nuire à la Nation » Arton27332-01bad

    Le président de la Banque ouest-africaine de développement (Boad), Abdoulaye Bio Tchané a émis des réflexions sur les relations devant exister entre l’Etat et les religions au Bénin. Il a recommandé aux dirigeants la neutralité et leur a conseillé de « préférer une démarche de concertation dénuée de la tentation d’instrumentation » à toute collusion avec les religions. Lire l’intégralité de ses réflexions.

    « Dans la construction du système d’Etat africain contemporain, l’assertion sous-jacente est que la religion appartient à la sphère privée et que, dans un « vrai » esprit libéral et républicain, elle doit être séparée de l’Etat ». Il ne faut donc pas s’étonner que les auteurs de notre constitution soulignent ce statut laïc de l’Etat et insistent sur le principe de la séparation de l’Etat et de la religion dans le système de gouvernance béninois. Cependant, il semble clair que la question du rôle de la religion dans la gouvernance ne peut pas être réduite à une question législative/constitutionnelle. Puisque, les raisons et processus sociologiques qui rendent les interpénétrations des sphères publiques et privées telles que les religions et les pratiques religieuses se sont introduites dans la conduite des affaires de l’Etat ; de la même manière elles sont présentes au cours de la création et la reproduction de la sphère publique. Dans les cas extrêmes, des enjeux légaux et politiques directs sont posés, par les partisans des religions dominantes et les porteurs de nouvelles religiosités, au principe et à la pratique de l’Etat laïque pour imposer la reconnaissance du rôle et de la place de la religion dans la vie nationale. De la polarisation sociale causée par de tels enjeux ont souvent résulté, autour de nous, de violents conflits entre chrétiens et musulmans, entre ceux-ci et les adeptes des religions « traditionnelles » ; des heurts entre les militants religieux et les forces locales de police ; des conflits ethno-régionaux dans des endroits où la couverture de différentes religions coïncident avec des régions géographiques administratives et l’ethnicité, les pressions continues pour les changements constitutionnels et la réforme de l’administration nationale-territoriale pour s’adapter aux demandes religieuses ; des efforts pour limiter la moralité dans la vie publique à son aspect religieux ; et des campagnes pour la redéfinition des enjeux civiques et les enseignements en accord avec différents credo religieux. La lettre pastorale des évêques catholiques du Bénin, en date du 18 Octobre 2010 m’offre l’occasion de partager avec mes compatriotes des sentiments et des réflexions qui m’habitent à propos de pratiques récentes, porteuses de risques de revendications identitaires. Sans doute serait-il utile et bienvenu d’apporter ma part de réflexion sur les questions comme celles des conflits entre les institutions, de l’obsession des échéances électorales, du grand danger du régionalisme évoquées par cette lettre. Sur cette dernière question, les manifestations du cinquantenaire de l’indépendance du Bénin m’ont permis de préciser mes convictions sur le risque qu’une certaine catégorie de responsables politiques fait courir à notre pays et l’avenir de conflit à l’ivoirienne qu’ils préparent pour les plus jeunes par leur approche parfois ouvertement régionaliste. J’ai dit et je redis, en tant qu’Africain, ma vision du Béninois unique en ce qu’il est à la fois du Nord et du Sud. Je voudrais ici, à partir d’une lecture de notre constitution, aborder plutôt ma conception de la laïcité de l’Etat et la nature des relations qu’il me parait nécessaire qu’il entretienne avec les organisations religieuses. Je tiens, avant tout, à exprimer ici toute mon adhésion au contenu de cette lettre qui, à mon avis, honore l’épiscopat et trace une démarche concourant à la paix au Bénin et à l’amour réciproque entre nos concitoyens de toutes confessions. Ma satisfaction est d’autant plus grande que nos religieux fustigent l’instrumentalisation politique de la Religion, un phénomène qui a pris son envol depuis ces dernières années. « A ce propos, nous observons depuis quelques années des groupes religieux se transformer de plus en plus en réseau souterrain de clientélisme politique. Cette instrumentalisation de la religion à des fins qui ne sont pas les siennes est dangereuse d’abord pour l’unité même des adeptes ou fidèles de ces confessions, ensuite pour la cohésion nationale » écrivent les évêques. Je sais que la gestion que les Béninois attendent de leurs responsables, et surtout les fidèles, c’est de respecter le sacré, d’éviter d’avilir la foi et la louange faite au Créateur. Ma foi en Dieu, qui conduit et justifie mon engagement aux côtés de mes concitoyens, m’incline à respecter les convictions et pratiques religieuses saines, celles qui, dans l’Islam, les religions chrétiennes, traditionnelles et autres, élèvent le croyant et le rapprochent de son créateur. Ces convictions et ces pratiques sont nécessairement porteuses de paix, d’amour et de tolérance dans la société. De ce point de vue, elles concourent à la stabilité de l’Etat. La mission d’un Président de la République, doit être de promouvoir la cohésion nationale, de prévenir toute tension sociale, de faire procéder à l’extinction de tout foyer de violence. La force dont il doit user pour l’heureux accomplissement de cette mission sera la force d’une politique de justice sociale la plus large possible et qui aura pour socle l’écoute permanente du peuple, l’écoute permanente de toutes les couches de la société, l’écoute permanente des garants de la morale que sont en principe les organisations religieuses. La société béninoise n’est pas encline à la violence, parce qu’elle se tient éloignée de l’intolérance et de ses fanatismes. J’observe, avec bonheur, que la Constitution du 11 décembre 1990 a prévenu notre pays contre tout fanatisme religieux, phénomène qui, je viens de le souligner, n’appartient ni à notre tempérament, ni à notre tradition, ni à notre histoire. Forte de cette convivialité de fait, notre Constitution porte haut le flambeau de la tolérance et de l’acceptation de l’autre en matière de religion. Elle le fait en posant, dès l’article 2 alinéa 1, les balises de la laïcité :

    La République du Bénin est une et indivisible, laïque et démocratique…

    L’Etat laïc est en effet un Etat non confessionnel. Cela veut dire que le domaine de la croyance religieuse n’est ni de sa responsabilité ni de ses attributions. Il va de soi que l’Etat n’a pas à se mêler de ce que croient les citoyens ou de ce qu’ils ne croient pas, qu’il n’a pas à se mêler de la foi qu’ils professent ou ne professent pas, ni de la manière dont ils la professent. Il va de soi, mais encore fallait-il le dire et le consigner clairement dans la Constitution ! L’Etat ne favorise ni ne défavorise la croyance religieuse ; il adopte à l’égard des religions une stricte neutralité. S’il faut donner un exemple, je dirai qu’il ne fait ni chaud ni froid à l’Etat béninois que les croyants ou non croyants béninois honorent les Tables de la Loi de Moïse ou les cinq Piliers de l’Islam. Qu’ils les ignorent, les respectent ou les violent, l’Etat n’a rien à y voir, tant que leur attitude pie ou impie ou d’indifférence totale ne porte pas atteinte aux droits humains, ne porte pas atteinte à la paix des citoyens dans la Cité, ne porte pas atteinte au principe sacro-saint du vivre-ensemble des Béninois au Bénin. Et c’est encore notre Constitution qui le stipule en son article 9 : Tout être humain a droit au développement et au plein épanouissement de sa personne dans ses dimensions matérielle, temporelle, intellectuelle et spirituelle, pourvu qu’il ne viole pas les droits d’autrui ni n’enfreigne l’ordre constitutionnel et les bonnes mœurs. Et il n’y a pas de raison pour que l’Etat et les religions ne s’accordent pas sur ‘‘les droits d’autrui, l’ordre constitutionnel et les bonnes mœurs’’ dès lors que la Constitution affirme et reconnaît ‘‘la dimension spirituelle’’ de la personne humaine, dimension sur laquelle revient l’article 10 en énonçant que : …L’Etat a le devoir de sauvegarder et de promouvoir les valeurs nationales de civilisation tant matérielles que spirituelles… Valeurs matérielles et spirituelles à égalité. Or, les religions constituent la seule instance qui s’intéresse en priorité à la dimension spirituelle de l’homme. On pourrait dès lors s’étonner et s’interroger sur la capacité de l’Etat, en charge de la dimension matérielle de la personne, à observer une stricte neutralité vis-à-vis du fait religieux en charge de la dimension spirituelle de la personne. La question peut d’ailleurs être inversée. Et cette possible inversion porte en filigrane la nécessité d’une entente cordiale entre Etat et religions. Etonnement et interrogation ne peuvent résulter que d’une certaine incompréhension ou d’une certaine confusion. Et il convient maintenant d’éclairer davantage la laïcité affirmée à l’article 2 de la Constitution. L’Etat béninois coiffe un pays composé de citoyens aux deux dimensions matérielle et spirituelle. L’Etat béninois coiffe un pays où les citoyens expriment la dimension spirituelle de leur être à travers plusieurs religions, ce qui fait du Bénin un pays multiconfessionnel. Dès lors, et pour être également au service de tous, l’Etat béninois se doit de n’afficher aucune confession religieuse, ce qui se traduit par sa stricte neutralité vis-à-vis des religions. Or, neutralité de l’Etat vis-à-vis des religions ne veut pas dire athéisme de l’Etat, loin de là. Et je n’en veux pour preuve que la présence première de Dieu à la prestation de serment du Président de la République : ‘‘Devant Dieu, les mânes des ancêtres, la Nation…’’ En son article 53, notre Constitution fait obligation au Président de la République de prendre, en tout premier lieu, Dieu à témoin de son serment. Mais ce Dieu n’est pas identifié parce qu’il est le Dieu de tous, aussi bien des philosophes, des théologiens que de la tradition ancestrale. L’Etat laïc mais non athée se tient à égale distance de toutes les conceptions de Dieu. Cette position lui permet de solliciter également toutes les confessions religieuses pour la consolidation de la République, de la démocratie et de l’Etat de droit. Car neutralité de l’Etat vis-à-vis des religions ne veut pas dire indifférence de l’Etat vis-à-vis des religions et des organisations religieuses. Une telle indifférence est, du reste, impossible. L’Etat laïc et non théocratique doit obtenir des religions et de leurs adeptes qu’ils conjuguent leurs efforts et les fassent converger vers le bien commun des citoyens au sein de la Cité. Ainsi le veut d’ailleurs notre Constitution en son article 14 : Les institutions et les communautés religieuses peuvent également concourir à l’éducation de la jeunesse. Les écoles privées, laïques ou confessionnelles, peuvent être ouvertes avec l’autorisation et le contrôle de l’Etat. Les écoles privées peuvent bénéficier des subventions de l’Etat dans les conditions déterminées par la loi. Dans les faits, cette coopération Etat/religions recouvre toute entreprise qui élève l’homme, qui élève le citoyen béninois. Coopération est en effet le maître-mot. La Constitution du 11 décembre 1990 instaure l’entente cordiale, instaure la paix entre l’Etat et les religions. En creux, elle leur interdit de se concurrencer au sens de se combattre ; en relief, elle leur fait devoir de concourir. Concourir au bien de la Cité. Et qu’il me soit permis ici de dire que, par des clins d’œil de l’histoire, qui ne tiennent pas nécessairement du hasard, je me sens personnellement au confluent de trois grandes religions de notre pays. Né et baptisé musulman, j’ai été élevé par un père dont la première épouse de Covè était chrétienne et avait ses racines dans le culte animiste. De ce fait, je connais par cœur et par le cœur affectif la tolérance religieuse. Je suis, comme beaucoup d’autres Béninois, le fruit d’un œcuménisme certain mais pas suffisamment pris en compte. Le problème, si problème il y a, est celui de l’Etat qui, au lieu de solliciter, peut vouloir manipuler voire contrôler le fait religieux à des fins politiciennes. Le problème, si problème il y a, est celui des chefs religieux qui, au lieu de concourir avec l’Etat au bien commun, peuvent vouloir se mettre à son service pour des intérêts non religieux, au risque de laisser l’Etat manipuler, voire contrôler la confession religieuse au nom de laquelle ils parlent. Dans un cas comme dans l’autre, la cohésion nationale y perd, les surenchères malhonnêtes y gagnent, le désarroi des citoyens peut s’ensuivre et un certain désordre s’installer. Il revient donc aux responsables de l’Etat et aux responsables des confessions religieuses d’éviter à tout prix toute confusion des genres, toute collusion indécente entre l’Etat et les religions, parce qu’une telle collusion ne peut que nuire gravement à la nation. Et de préférer une démarche de concertation régulière dénuée de la tentation d’instrumentation que dénoncent les chrétiens. La lettre pastorale, la démarche louable qu’entreprennent des églises chrétiennes et les organisations musulmanes pour faire triompher une démarcation raisonnable d’avec le parti pris politique me donnent espoir et me réconfortent. Elles balisent le chemin que je souhaite aider notre pays à emprunter désormais pour renforcer notre unité nationale et la Paix et renouer avec l’esprit de la conférence nationale.

    Le concert est beau quand chacun joue convenablement sa partition.




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