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    Lettre de Wall Street : Plus c'est gros...

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    LE Grande Guide


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    Lettre de Wall Street : Plus c'est gros... Empty Lettre de Wall Street : Plus c'est gros...

    Message par Admin Jeu 6 Jan 2011 - 17:06


    Lettre de Wall Street : Plus c'est gros...


    Lettre de Wall Street : Plus c'est gros... White13


    En mai 2009, Barack Obama créait une commission d'enquête sur la crise, nommée FCIC. Son ordre de mission : "Examiner les causes, intérieures et internationales, des crises financière et économique actuelles aux Etats-Unis." Bipartite, sa composition réunissait des personnalités expérimentées représentant les idées de la nouvelle majorité démocrate et celles de l'ancienne, républicaine. Au total, autour de son président, Phil Angelides, un ex-trésorier général de l'Etat de Californie, elle incluait trois financiers et avocats d'affaires, deux anciens élus au Congrès, deux ex-conseillers économiques de George Bush, un entrepreneur et un ex-régulateur du secteur bancaire. Six penchaient démocrate (dont le président), quatre républicain (dont le vice-président, Bill Thomas, membre de l'ultraconservateur American Enterprise Institute).

    En instaurant cette commission, M. Obama avait forcément pensé à la commission Pecora qui, au début de la Grande Dépression, enquêta sur ses racines et ses instigateurs. Les travaux de cette commission présidée par le procureur Ferdinand Pecora, elle aussi bipartite, nommée en 1932 sous les républicains et redynamisée par le démocrate Franklin Delano Roosevelt, débouchèrent sur une législation (loi Glass-Steagall séparant activités de dépôt et d'affaires des banques, création d'un "gendarme" des marchés, la Securities and Exchange Commission, et d'autres agences de contrôle) qui configura la vie financière américaine pour un demi-siècle, ouvrant la voie aux grandes réformes socio-économiques qui suivirent.

    Dans l'esprit de M. Obama, la FCIC avait deux missions : l'une d'impulsion législative, l'autre pédagogique. Elle devait encourager cette "refondation de l'économie" que lui-même prônait - un concept aujourd'hui abandonné. Las ! Deux fois déjà, la remise de ses conclusions a été reportée. Bipartite, my foot... Aucun compromis n'y a été possible entre prorépublicains et prodémocrates. Après dix-huit mois d'auditions de 800 acteurs directs (PDG, traders, hauts fonctionnaires, experts...), des millions de pages de documents analysées, la commission s'est avérée incapable de dégager un "narrative", comme disent les Américains, un récit collectif des racines et du déroulement de la crise, quitte à signaler des divergences ici ou là.

    Les républicains ont tout simplement refusé que le nom "Wall Street" figure dans ce rapport. On a bien lu : aucune "cause" de la crise, pas même partielle, ne saurait être imputable aux marchés financiers. Non seulement ceux-ci sont blancs comme neige, mais des termes comme "dérégulation", "banque fantôme" (pour désigner les fonds spéculatifs), "risque systémique" ou "interconnexion" ne devaient pas non plus apparaître. Mais alors, pourquoi cette crise ?

    Les républicains de la FCIC ont résumé le 15 décembre 2010 leur position : l'unique responsable de la crise, c'est... l'Etat américain ! Pour avoir flatté les pulsions égoïstes des familles à s'endetter afin d'accéder à la propriété, pour avoir trop régulé et instrumentalisé ses bras armés de la réassurance du crédit immobilier nommés Fannie Mae et Freddie Mac, l'Etat est consacré seul coupable de la déroute financière.

    Peu importe que l'Etat que dénoncent ces républicains était... le leur : qui donc détenait le pouvoir durant les huit ans ayant précédé la crise financière ? Peu importe que le rêve de l'accès de chacun à la propriété, lancé par le démocrate Bill Clinton, ait été promu avec plus de vigueur encore par le républicain George Bush. Que ce dernier n'a pas surrégulé mais dérégulé autant qu'il a pu. Que Fannie et Freddie n'étaient pas été des entreprises publiques gérées par l'Etat, mais des sociétés parfaitement privées et d'autant mieux cotées en Bourse qu'elles jouissaient d'une "garantie publique". Peu importe que, si Fannie et Freddie ont totalisé des pertes abyssales, ce n'est pas parce qu'elles étaient trop contrôlées, mais libres de leurs mouvements. Qu'enfin ces sociétés n'ont investi que tardivement dans les titres subprimes, qui plus est sous la pression des marchés, pas de l'Etat.

    Bref, "le seul problème de cette théorie est qu'elle n'est pas conforme aux faits", écrit malicieusement l'enquêteur financier du New York Times, Joe Nocera, qui parle de "véritable honte". Et quand ces membres de la FCIC accusent l'Etat d'avoir précipité la panique générale en... refusant de sauver la banque d'affaires Lehman Brothers, en septembre 2008, on en reste coi ! Ainsi, pour ces pourfendeurs résolus de toute intervention publique dans les affaires économiques, l'Etat est coupable, y compris lorsqu'il suit leurs propres préceptes...

    Mais où a disparu donc le pragmatisme américain, si constitutif d'une formidable capacité d'adaptation face aux difficultés ? Poursuivre la liste des erreurs et incohérences de ce document serait de peu d'intérêt. Car il ne s'agit pas, pour ces républicains-là, de participer en conscience à un "examen" permettant, comme le fit la commission Pecora, de dégager des mesures propres à juguler les propensions les plus nocives du système. Il s'agit de promouvoir un pur concentré d'idéologie. Et plus c'est gros...

    "Tout cela serait risible si les conséquences n'étaient si graves", renchérit Joe Nocera, qui craint que ce texte soit le prélude au sabotage systématique de toute régulation financière par la majorité républicaine du nouveau Congrès, qui commence ses travaux cette semaine. A lire cette vision des origines de la crise, on comprend mieux pourquoi, aux yeux de la gauche américaine - cf. le film Inside Jobs -, une Christine Lagarde apparaît comme un parangon de pensée rationnelle sur la crise du capitalisme.



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