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    CINQUANTE ANS APRES LES INDEPENDANCES AFRICAINES

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    CINQUANTE ANS APRES LES INDEPENDANCES AFRICAINES Empty CINQUANTE ANS APRES LES INDEPENDANCES AFRICAINES

    Message par Admin Mar 7 Juin 2011 - 13:12

    CINQUANTE ANS APRÈS LES INDÉPENDANCES AFRICAINES



    Les pays africains ont célébré durant l’année 2010, les 50 ans de leur indépendance aussi bien au plan politique, économique, culturel que social. De ces quatre dimensions intrinsèques de développement, il n’est pas superflu de mettre l’accent sur les enjeux de la micro finance perçue de plus en plus comme un instrument de lutte contre la pauvreté…

    C’est au début des années 60 que la plupart des plans de développement prévoyaient que la croissance devrait se réaliser à travers l’accumulation du capital et l’industrialisation. D’où la priorité aux technologies intensives en capital alors que la main d’œuvre augmentait rapidement. Ce qui n’a malheureusement pas permis de réduire la pauvreté. C’est ainsi que dans les années 70, il y a eu une réorientation des politiques vers les projets de développement pour aider les plus démunis du milieu rural, notamment les petits paysans sans terre, d’où la prolifération des projets de Développement Rural Intégré (DRI), privilégiant l’approche dite des besoins de base à travers deux concepts : Augmentation des revenus en laissant les personnes choisir l’allocation optimale de ressources selon leurs préférences personnelles puis fourniture des services sociaux de base (santé, nourriture, éducation, eau potable, logement, transport). Si la première approche a le mérite de respecter les choix individuels dans les faits l’augmentation des revenus, ne s’est pas traduite par une amélioration des conditions de vie et un meilleur accès aux services sociaux de base. La seconde elle ne tient pas compte des préférences des populations concernées et se révèle très coûteux à mettre en place compte tenu du manque de ciblage des populations visées et des services à prioriser. Au total, les choix des politiques économiques de 1960 et 1970 ont eu pour effet de créer des déséquilibres macroéconomiques insupportables, de décourager l’esprit d’entreprise compétitive et l’initiative individuelle propices à la croissance ; de biaiser la distribution des revenus vers la fonction publique urbaine et les industriels protégés au détriment de l’agriculture. Ceci dans un contexte où les politiques d’ajustements structurels (PAS) ont été adoptées pour limiter l’intervention de l’Etat dans les secteurs de production, la commercialisation des produits et services. Toutefois, il y a eu apparition de nouveaux pauvres (augmentation des prix, réduction de l’offre de certains services sociaux) à la dimension sociale des PAS. Du côté des institutions de Bretton Woods (FRFC et DSRP), la nouvelle stratégie est le résultat du constat d’échec en matière de lutte contre la pauvreté par l’Etat qui doit offrir des biens et des services publics pour permettre aux pauvres de saisir des opportunités de marché : Ceci par la mise en place d’un programme de microcrédit (moderne) perçu comme un moyen efficace permettant d’accélérer l’intégration des pauvres à l’économie.

    L’avènement d’une micro-finance moderne

    La micro-finance dans sa version moderne, est née au début des années 80, dans le contexte de libéralisation économique. L’émergence de ce secteur correspond à un changement conceptuel dans l’approche du financement des unités économiques (les ménages, les entreprises). Dans les approches antérieures d’inspiration "Keynesienne", l’objectif était d’injecter du crédit dans l’économie des ménages pour initier un cycle vertueux d’augmentation des revenus permettant l’investissement. Le crédit était essentiellement agricole, considéré comme un intrant dans le processus de production, ciblé sur un paquet technique ou une culture, et subventionné très souvent. Il était octroyé par des banques publiques, des banques de développement, des projets de développement. Les services d’épargne étaient peu développés. Les limites de ces systèmes (impayés, faillites des banques), conjuguées aux évolutions du contexte macro-économique et politique, conduisent à une remise en cause de ces approches, à un changement de "paradigme". Le paradigme du "crédit agricole" est remplacé progressivement par celui de "marché financier". L’objectif n’est plus d’injecter du crédit dans la sphère productive par intervention forte de l’Etat, mais de construire le "marché financier" qui permette un accès durable aux services financiers. La micro-finance se donne pour objectif d’inclure dans ce marché financier les populations qui n’ont pas accès aux banques classiques, parce qu’elles sont trop pauvres, trop éloignées des banques. En une décennie, elle a donc élaboré différentes formes organisationnelles (le crédit à caution solidaire, mais aussi les mutuelles, les associations, les caisses villageoises, les sociétés, le capital-risque, les fonds de garantie, etc…) qui doivent permettre d’inclure ces exclus dans le marché financier. C’est ainsi que la micro-finance a été fondée sur trois hypothèses principales : l’accès au marché financier qui va permettre même aux plus pauvres, de développer leur potentiel entrepreneurial ; la création d’entreprise qui permettra l’augmentation des revenus et du niveau de vie, la participation des utilisateurs qui est un élément déterminant de l’organisation de la micro-finance. Une participation va permettre d’une part de maîtriser le risque du système financier (par la caution sociale d’un groupe, d’un village et favoriser l’appropriation du système financier par ses utilisateurs et d’autre part, de réduire par le bénévolat, les coûts de transaction de la micro-finance, et donc au final, les coûts d’accès au service. Du coup, la micro-finance est devenue un" facteur d’inclusion des exclus ", dans le marché, mais aussi, par la participation et l’apprentissage, dans la démocratie. Sur cette base, la micro-finance est ensuite perçue rapidement comme un outil emblématique des politiques de lutte contre la pauvreté. Les gouvernements et les bailleurs de fonds ont concentré leurs efforts sur le développement de ce secteur. En témoigne, l’attribution du Prix Nobel de la paix à la Grameen Bank qui peut être considérée comme un point d’orgue de ce développement…

    L’Afrique et la pratique du micro-crédit

    Le micro-crédit apparaît aujourd’hui plus qu’hier l’un des outils les plus efficaces pour améliorer les perspectives économiques de l’Afrique et lutter contre la pauvreté. Selon le vice-président de la banque mondiale chargé du développement écologique durable Ismail Serageldin, estime que "le micro-crédit est un instrument efficace dans l’aide aux très pauvres ". Une étude menée en 2007 par le Pnud dans dix sept pays subsahariens a permis d’identifier 98 établissements de micro-financement et de financement rural. Le montant moyen de leur prêt est de 280 dollars, 62% des emprunteurs sont des femmes et le taux moyen de remboursement des prêts atteint les 85%. Au Bénin, ce taux atteint les 100% à travers le programme de micro-crédit aux plus pauvres depuis 2007. La moitié des entités opérant sont des organisations non gouvernementales qui fournissent des services de petite échelle. Au Sénégal, le ministre de l’économie et des finances a signalé qu’il existe dans le pays en octobre 2007, 363 banques locales d’épargne et de crédit qui portent en général le nom de " mutuelle ". On note également d’innombrables clubs de crédits traditionnels au niveau local qui s’appellent selon les pays tontine, Esusu, Chilemba etc… Au Nigeria, 30 à 50% de la population bénéficie d’un Esusu. Le Kenya compte lui seul 1,3 millions de bénéficiaires dont l’épargne atteint au total presque 338 millions de dollars. Dans le reste du monde, en Asie du Sud-Est, en Amérique Latine puis en Europe de l’Est, le micro-crédit occupe par ailleurs, une place de choix dans la lutte contre la pauvreté…

    L’expérience du micro-crédit aux plus pauvres au Bénin

    Depuis 2006, la vision du gouvernement st de faire de la micro-fiance un outil incontournable de développement à la base et de lutte contre la pauvreté. Il s’agit pour le Chef de l’Etat, le Dr Thomas Boni Yayi de rendre productifs et créateurs de richesses les Béninois qui aspirent au bien-être social à travers le micro-crédit et autres services d’accompagnement en leur fournissant un encadrement susceptible de développer en eux une capacité de gestion des activités génératrices de revenus. Pour y parvenir, il a été conçu par l’ancien ministre des microfinances, Mme Sakinatou Alpha Orou Sidi, le programme de micro-crédit aux plus pauvres d’un montant total de 20 milliards au titre de l’année 2008. Plus de 500.000 bénéficiaires étaient visés au départ par le programme dont la mise en œuvre a suscité beaucoup d’engouement au sein de la population surtout la couche féminine en proie à une extrême oisiveté. Mais aujourd’hui, environ 2 millions de Béninois (ses) sont impactés par le programme selon le Directeur de Fonds national de micro-finance, Komi Koutché dont 55% des bénéficiaires affirment avoir été soustraits de la pauvreté…. En effet, pour faire de la micro-finance un outil de développement au Bénin, trois phases de mise en œuvre du programme sont préconisées. Il s’agit concrètement pour la première phase de l’octroi d’un crédit à taux sensiblement bonifié à partir d’un montant de 30.000 Fcfa. Le taux d’intérêt s’élève lui à 5% dont un minimum de 3% servant à l’épargne stratégique. A la deuxième phase du programme, le montant est de 50.000 Fcfa avec un taux d’intérêt de 8% servant à l’épargne stratégique. De sorte qu’une partie des intérêts que paient les bénéficiaires soit ristournée en fonction de leurs efforts de remboursement. Le dernier volet du programme est volontaire et s’apparente aux produits classiques d’épargne qu’offrent les institutions financières à leur clientèle pour qu’à la troisième phase, les bénéficiaires des services du programme soient soumis aux conditions des partenaires stratégiques en l’occurrence, les banques, les institutions de micro-crédits et autres Ong implantées au Bénin. Et ce, selon une réglementation dans le secteur. L’objectif étant de consolider les acquis des populations et d’assurer par la même occasion leur autonomisation. C’est à ce titre qu’il a été conçu un volet non financier du programme orienté vers la formation, l’alphabétisation et l’initiation aux normes cardinales que sont la gestion de la mutualité, celle des coopératives et des cycles des activités génératrices de revenus. A cela, il faut ajouter l’initiation aux notions de tenues de comptabilité, de crédits et des principales obligations sous-jacentes. Un paramètre qui permettra d’augmenter la capacité managériale des bénéficiaires suivant les meilleures pratiques en vigueur dans le domaine de la micro-finance. Bref, il s’agit pour le gouvernement d’instituer dans la chaîne de production et de création de richesse, une micro-finance de développement au Bénin. Toutes choses qui font du programme de micro-crédit aux plus pauvres, un modèle pour la croisade contre la pauvreté.

    Le micro-crédit, un instrument de croissance ou facteur de paix : illusion ou mirage ?

    Après cinquante ans d’indépendance et de lutte contre la pauvreté, de nombreuses questions se posent en termes de qui utilise la micro-finance ? Qui y a accès ? Dans quelles conditions ? Comment est-elle utilisée (financement productif, investissement, consommation, gestion du risque) ? Qu’en est-il du potentiel entrepreneurial des "pauvres" ? Ce potentiel entrepreneurial n’est-il freiné que par le manque de capital ? N’y a-t-il pas d’autres facteurs de contrainte de développement de l’activité économique des "pauvres" ? La lutte contre la pauvreté peut-elle se réduire à l’effort de création d’entreprises ? La micro-finance est-elle un facteur d’inclusion des populations défavorisées dans le marché ? Peut-elle contribuer à un processus d’apprentissage de la démocratie ? A quelles conditions ? Autant de questions qui font fait l’objet de nombreuses études qui aboutissent à des conclusions très contrastées, selon les contextes, selon les types de micro-finance, selon les politiques publiques adoptées pour encadrer la micro-finance. Ces études peuvent alimenter utilement le débat sur le rôle de la micro-finance et des politiques de lutte contre la pauvreté et les inégalités. En effet, l’affirmation de la présidente (Maria Nowak) de l’Association pour le Droit à l’Initiative Economique (ADIE), selon laquelle le microcrédit est un instrument de croissance et en tant que tel un facteur fondamental de paix est contestable. Et, l’attribution du prix Nobel de la paix à la Grameen Bank et à son fondateur Muhammad Yunus a été le point d’orgue d’une campagne visant à présenter le microcrédit comme la solution miracle pour éradiquer la pauvreté. En 2005 où l’ONU l’avait décrétée "l’année du microcrédit", la sonnette d’alarme avait été tirée. Cette volonté de promouvoir sans réserve un outil qui est loin d’avoir tenu ses promesses sur le terrain est dangereuse. Le microcrédit est développé au Bangladesh depuis trente ans alors qu’aucune donnée économique ne montre que la pauvreté y a reculé de façon significative grâce à cette technique. Paradoxalement au Bénin, on fait le même constat. Dans ce pays, au cours des cinq dernières années, la vitesse de croissance du secteur de la microfinance a plus que doublé en termes de nombre d’IMF, du nombre de clients, de montant investi dans le secteur par les partenaires et l’Etat. Pourtant, les indices de pauvreté calculés par l’INSAE montrent une dégradation de la pauvreté non-monétaire et une légère amélioration de l’indice de pauvreté monétaire. Et on pourrait conclure que les conditions de vie ne sont pas améliorées malgré l’accès aux ressources financières des populations pauvres. Dans le même ordre, on pourrait conclure à une sensible amélioration de la distribution des probables ressources générées par l’Etat (prospérité partagée améliorée). Ces piètres résultats pourraient provenir d’un taux de croissance démographique et du coût de la vie de plus en plus élevé (non maîtrise des politiques de développement). Mais quelques succès d’emprunteuses ne peuvent faire office de preuve de l’effet économique supposé globalement positif du microcrédit pour les populations les plus pauvres et surtout de sa capacité à éradiquer la pauvreté. Seulement que en se référant à la perturbation de la paix occasionnée l’affaire ICC services via les sociétés de placement d’argent au Bénin, on pourrait penser que le fonctionnement de la micro-finance actuelle garantie une paix. Toutes les études d’impact sérieuses donnent le même résultat : le microcrédit améliore la gestion des budgets familiaux et stabilise de petites activités entrepreneuriales. En cela, il est fort utile. Il ne lutte pas pour autant contre la pauvreté et il ne peut pas y prétendre. Le potentiel entrepreneurial des pauvres est beaucoup plus limité que ne le prétendent les promoteurs du microcrédit. Quand bien même les pauvres se transformeraient en entrepreneurs, s’imaginer que le marché puisse s’étendre à l’infini et offrir une place à chaque pauvre est tout aussi illusoire. L’augmentation de la population ayant accès aux services financiers ne signifie pas une réduction de la pauvreté. Impacter un plus grand nombre de populations pauvres ne signifie pas qu’elles toutes ne sont plus pauvres. Les exemples de saturation rapide de marchés locaux suite à des initiatives financées par le microcrédit sont légion. Deux exemples pour le comprendre : Au Bénin, un projet appuyant les populations du département des Collines dans la filière manioc a impacté plusieurs femmes qui se sont mises à produire le gari. En quelques mois, elles ont produit ce que le marché absorbe en un an. Dans un autre département où le microcrédit bat son plein, les femmes du quartier se sont toutes mises à faire de l’akassa, du coup, le marché local s’est saturé et elles tombent en impayé. On retrouve la même situation dramatique au Burkina Faso avec des vendeuses de bière de mil. Les femmes pauvres sont des millions. Comment peut-on prétendre qu’elles vont créer des millions d’entreprises/microentreprises, ou que des petites entreprises vont employer des millions de femmes. Quelques succès médiatisés cachent des milliers de cas de manque d’opportunité de marché renforcée par l’absence d’accompagnement et de formation technique et commerciale. En cela, il est tout à fait loyal de reconnaître les efforts du gouvernement béninois à travers les actions de son Fonds National de Micro-finance qui essaye de panser les plaies de chaque maillon de la chaîne des acteurs du secteur de la micro-finance. Pour l’heure, l’essentiel du microcrédit est utilisé pour des dépenses d’urgence (santé, alimentation, éducation), pour améliorer l’habitat, pour honorer à une tradition, un rituel, ou une cérémonie. Et cela, aux yeux des populations pauvres, n’a pas de prix. Le poids de la culture pèse beaucoup dans la gestion des crédits accordés en nos zones rurales. Outre les formations reçues et outils de gestion mis à leur disposition, les dépenses priment sur les investissements productifs ne serait-ce que dans leur " tête " en attendant qu’elles ne soient mises en application. Par ailleurs, les plus pauvres sont dans l’incapacité de prendre des risques élevés. Le microcrédit peut conduire au surendettement et génère alors plus de drames que d’espoirs. L’intégration de la mutuelle de santé et de l’alphabétisation dans le processus de microcrédit aux plus pauvres pourrait être une piste de résolution.

    En abordant la question du développement à la base, on mise sur la "participation" des clients et sur le principe du prêt collectif solidaire. Et nombre d’organisations de microcrédit ont bel et bien pour objectif de renforcer les sociétés civiles locales. L’effet est loin d’être automatique. Faute d’éducation mais aussi de temps, les pauvres ont du mal à s’approprier des règles de gestion de plus en plus complexes. Ils sont finalement très peu à prendre la parole et ils sont exclus, de fait, de la gouvernance des organismes de micro-finance. Les vertus démocratiques du prêt collectif sont, elles aussi, fort limitées. L’auto-organisation ne s’improvise pas. Le prêt collectif, dont la Grameen Bank sous la pression d’une vague d’impayés a dû abandonner le dogme en 2002, est surtout un moyen de faire des économies d’échelle et de garantir les remboursements. Renforcement des hiérarchies locales, coquilles vides, manipulations diverses : les dérives de ces groupes sont multiples. Dans certains pays, ces mêmes groupes se voient déléguer un nombre croissant de responsabilités d’intérêt collectif ou d’intérêt général. Que les pauvres et fortiori les femmes acceptent de multiples responsabilités au nom de leur "émancipation" est considéré comme allant de soi. Le temps passé dans ces activités collectives est considéré comme gratuit.

    Il y a plus grave encore !

    Dans certains pays, tel le Bangladesh, le microcrédit ne sert pas la défense des droits humains fondamentaux : il s’y substitue. Victimes de l’effet de mode ou bien pressées par des bailleurs peu sensibles voire réfractaires à toute perspective réformatrice, nombre d’organisations militantes et engagées politiquement se sont progressivement déviées de leur mission politique pour se centrer uniquement sur le microcrédit. Elles en perdent leur âme. En définitive, l’approche collective est surtout un moyen de réduire les dépenses publiques, voire de détourner l’action et l’attention d’organisations actives politiquement sur des questions considérées comme neutres et ne remettant pas en cause l’ordre existant : on est donc loin d’un outil au service de l’apprentissage de la démocratie et donc in fine de la paix. Les pauvres, plus que quiconque, ont besoin de services financiers d’épargne, d’assurance, de garantie et de transfert. Le microcrédit est nécessaire et remettre en cause sa légitimité serait un retour en arrière. Mais dans le long combat contre la pauvreté, les exclusions et les inégalités, la microfinance représente bien peu face aux immenses besoins en matière d’amélioration des infrastructures de santé, d’éducation, d’eau potable et de communication. Pour l’instant celles-ci font largement défaut alors que les discriminations et les marginalisations sont les causes fondamentales de la pauvreté. Enfin et surtout, les soubassements idéologiques des raisons données lors de l’attribution du prix laissent perplexe. En érigeant le microcrédit comme outil au service de la paix, le jury du Nobel oublie dans ses attendus sa contribution aux situations post conflit et semble se soumettre à une vision néo-libérale de la justice sociale. La paix paraît principalement pensée pour faire face aux risques d’insurrection de populations démunies. La misère, l’exclusion sont le terreau de la révolte et du terrorisme. Le microcrédit a été un facteur de retissage des liens sociaux dans beaucoup de pays (le microcrédit aux plus pauvres au Bénin empêche les tensions politiques entre membres de la mouvance et de l’opposition). Si le microcrédit peut contribuer à la paix et une stabilité sociale, les différentes politiques de développement devraient pouvoir mettre en œuvre leurs stratégies de lutte contre la pauvreté afin d’avoir les résultats escomptés, car sans la paix, il n’y a pas de développement économique. C’est à cette conclusion qu’ont abouti les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) tels la Côte-d’Ivoire, le Togo, le Burkina-Faso, etc lorsqu’elles effectuent des visites d’échanges au Bénin pour s’imprégner les expériences du Fonds National de la Micro-finance…


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